24 févr. 2014

Basketball & Physique: ITW de Xavier Barbier sur la préparation physique chez les jeunes joueurs

Dans cette rubrique Basketball & Physique, je vous propose l'interview de Xavier Barbier, préparateur physique au sein de la Lisses Sport Academie, sur le sujet: la préparation physique chez les jeunes joueurs de basket-ball.

Stevy: Salut Xavier, peux-tu nous décrire ton parcours en tant que préparateur physique?
Xavier: Salut Stevy. J’ai 35 ans. J’ai obtenu en 2003 une Licence en sciences du sport avec une spécialisation en entraînement et performance athlétique. Cela fait presque 10 ans que je m’occupe de la préparation physique de sportifs. Durant cette période, j’ai eu le plaisir de travailler, entre autres, au sein de Pôles Espoirs et Centres d'Entraînement Régionaux (Football américain et Basketball), et plus globalement de m'occuper de la préparation physique de sportifs pro et de haut-niveau dans cinq sports différents (football américain, basketball, VTT-Trial, football et trail).
Actuellement, je fais partie de l’équipe de préparateurs physiques de La Lisses Sport Academie (LSA), une salle unique en région parisienne de 1750 m² dirigée par Nicolas Jeansoulé de l’Université d’Evry Val d’Essonne (91) qui propose à tous des services aussi bien fitness/bien être/santé, que préparation physique et expertise/évaluation physique et physiologique.

Stevy: Penses-tu que la préparation physique soit suffisamment présente dans l’entraînement des jeunes sportifs actuellement en France?
Xavier: Je fais le constat que la préparation physique est plutôt absente de l'entraînement des jeunes sportifs en France. En même temps, il ne pourrait en être autrement puisque les préparateurs physiques sont généralement absents de l'entraînement des jeunes sportifs.
Il y a bien du travail “physique” mais c’est une bouillabaisse imprécise. Cela ne veut rien dire “faire du physique”. Tout de suite on part sur du quantitatif, où le but est de fatiguer le sportif. Rien de mieux pour dégouter de la préparation physique l’athlète dès le plus jeune âge.
Un idiot avec un sifflet peut faire vomir un sportif ou lui donner des courbatures pour 3 jours. Il faut plus de compétences pour donner à un jeune athlète les compétences physiques pour réussir plus tard.

Stevy: A quel âge peut on commencer le travail physique d’après toi?
Xavier: Si l’on s’en tient strictement aux recommandations du modèle de développement à long terme de l’athlète (DLTA), dès 6-7 ans (selon le sexe) on peut proposer du contenu de préparation physique.
Même si, à cette âge, nous restons sur “s’amuser grâce au sport”. C’est le moment le plus opportun pour initier l’enseignement et la pratique de certaines compétences physique de base : courir, sauter, sautiller/gambader, lancer, attraper.
L’enfant qui ne développe pas de savoir-faire physique est très défavorisé. L’absence de développement des fondements du mouvement a aussi pour conséquence que le jeune sportif renoncera sans doute à participer à des activités sportives demandant une certaine maîtrise des habiletés spécifiques, le limitant donc dans ses choix de sports qui seront favorables au maintien de sa santé toute sa vie.
Cela réduit aussi ses chances de s’engager dans la poursuite de l’excellence sportive.
6-7 ans est aussi déjà le début de la première fenêtre optimale au développement de la vitesse linéaire, latérale et multi-directionnelle, notamment de par l’exploration des différents espaces avant, arrière, latéraux, etc.
Le développement de la force grâce à l’utilisation d’exercices liés à la force de son propre corps peut même être envisagé.
Il y a donc beaucoup de possibilités !

Stevy: Pour toi, quelles sont les priorités en terme de développement physique dans la formation des jeunes joueurs ?
Xavier: Je ne parlerais évidemment que du physique et d’un objectif de développement à long terme optimal.
Ainsi, tout dépend de l'âge du jeune sportif et du temps à disposition pour l'entraînement. S’il y a peu de temps, le plus efficace est de se fixer un objectif principal sur une seule qualité physique. Par exemple pour les garçons :
- Entre 6 et 9 ans : vitesse par le jeu
- Entre 9 et 12 ans : habilités fondamentales (lancer, sauter, courir, ...)
- Entre 12 et 16 ans :  vitesse par l'enseignement des mécaniques
A partir de 14 ans  environ, le volume d'entraînement hebdomadaire augmentant généralement, il est aussi important de débuter l'entraînement aérobie.
Quand je parle d’objectif principal, cela ne veut pas dire que la totalité du temps d'entraînement dédié aux qualités physiques doit se focaliser sur cet objectif.
Concernant le volume d'entraînement dédié à la préparation physique, Thomas Drouot sur ton blog était plutôt dans le vrai. Entre 20 et 50% selon la catégorie d'âge et le niveau de pratique.

Stevy: Quels sont les principaux problèmes physiques rencontrés chez les jeunes joueurs de Basket-ball?
Xavier: Mon expérience avec les jeunes se porte sur des joueurs et joueuses de 14 à 18 ans. Celle-ci  m'amène à faire le constat que le jeune joueur de basket-ball présente très souvent des problématiques de mobilité (cheville, hanche), de mouvements primaires (fondamentaux) non maîtrisés ou alors avec de fortes compensations. Ce sont généralement des bombes à retardement en terme de risques de blessure.
Ensuite, les compétences de base de la vitesse sont souvent absentes. Par exemple, comment absorber une force/vitesse, autrement dit décélérer.  
Enfin, il y a souvent des bonnes qualités d’explosivité. Mais cette explosivité s’explique plus par une bonne élasticité/raideur musculaire. Le niveau de force, lui, est moyen.  
Ainsi, lorsque la fenêtre optimale pour le développement de la force se présente, et face à nos problèmes de mobilité et de schéma moteur, l’amélioration de l’explosivité et de la vitesse, par le biais de la force, est un casse tête pour le préparateur physique. De nombreux exercices deviennent un peu trop risqués pour le joueur en raison des compensations que va mettre en place le joueur.
L’origine du problème est bien évidemment le manque d'enseignement des compétences physiques et mouvements fondamentaux. C'est dommage car le joueur de basket-ball est souvent à l’aise sur les efforts dynamiques (où la composante vitesse est importante). Il bénéficierait grandement de l’amélioration des qualités musculaires à l’opposé du spectre force/vitesse, c’est à dire la force. Cela aurait un retour sur investissement positif et  important sur les aspects d’explosivité et de capacité d’accélération.
Après, il ne faut pas uniquement jeter la pierre aux clubs de basket-ball. On sait que les jeunes ne font pas toujours du sport, ou alors en pratiquent plusieurs, avant le début de spécialisation après 14 ans. Le problème est plutôt que l’enseignement des compétences physiques fondamentales est absent des entraînements chez les jeunes dans la grande majorité des sports. Avant 14 ans la préparation physique/athlétique n’est pas spécifique au sport, mais spécifique à l'être humain, l’enfant. Il serait logique de retrouver des contenus assez similaires au même âge pour des sports différents.
Encore une fois, ce n’est pas spécifique au basket-ball. J’ai préparé un sportif pro de 20 ans dans un autre sport majeur. Ce dernier n’avait pas non plus de notions des mécaniques de base pour la vitesse linéaire.

Stevy: Sur une semaine type de 3 entraînements par semaine avec des jeunes, quelle serait ta planification idéale pour le développement physique et comment l’intégrerais-tu dans les entraînements?
Xavier: Pour que ce soit simple à planifier avec l'entraîneur, je proposerais la même organisation à chaque séance.
Le début de l’entraînement serait dédié à une période athlétique :
- échauffement/activation avec une forte orientation sur des mouvements fondamentaux aux poids de corps, du gainage (sur tout les plans) et  du travail correctif (posture, déséquilibre musculaire).
- efforts dynamiques : enseignement des sauts, réceptions, des bondissements (thématique spécifique à chaque séance (linéaire, latérale, multi-directionnelle).
- vitesse : enseignement des mécaniques d’accélération, décélération et changement de direction (redirection) selon la thématique du jour (linéaire, latérale, multidirectionnelle).
Je ne suis pas un grand fan du “renforcement musculaire” poussé pendant la séance basket. J’ai tendance à trouver que cela provoque trop de fatigue et dégrade la qualité technique de la partie basket lors de la suite de la séance. Je préfère que cela soit dissocié de la séance basket, ou alors, prévu avec l'entraîneur dans un objectif précis. En tout cas pas une improvisation “et si je cassais tout le monde en 2 ce soir” parce que j’ai le sifflet et un polo de coach...
La fin de séance serait réservée à un travail énergétique plus ou moins important selon l’âge.
Mais l’important est qu’il y ait un échange permanent entre l'entraîneur et le préparateur physique.

Stevy: Quelles sont les qualités physiques qu'un jeune joueur doit avoir pour arriver au haut niveau? Est-ce un facteur limitant pour arriver au plus haut niveau ?
Xavier: Il faut choisir les bons parents et le bon sport !
La taille et les aspects nerveux (vitesse, force) sont souvent mis en avant car ils seraient fortement déterminés pas des aspects héréditaires et présenteraient donc une faible “entraînabilité”.
Mais je pense aussi que ce sont chez les plus jeunes que tout se joue pour la vitesse, l’agilité et les habilités fondamentales. C’est avant 14 ans que le jeune sportif construit ses schémas moteurs et sa motricité pour le reste de sa vie. L’intelligence motrice est indispensable pour un développement optimal à long terme.


Stevy: Merci pour avoir répondu à toutes ces questions. As-tu une dernière chose à ajouter?
Xavier: Merci à toi pour l’invitation ! Vous pouvez visiter mon blog à l'adresse suivante: http://www.xavierbarbier.com
SF

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