10 mars 2015

Interview Arnaud Ferec, préparateur physique et coach Basket

Je vous propose de découvrir à travers cette interview Arnaud Ferec, préparateur physique et coach de basket français, qui exerce son métier entre les Etats-Unis et la France. Il vit en Californie et vient régulièrement en France pour collaborer avec des clubs ou des sportifs entre autres.

Arnaud essaye continuellement de se renouveler dans sa pratique et est toujours à la recherche de nouvelles méthodes d'évaluation et d'entraînement. Il est le président de l'Union des préparateurs physiques professionels (U3P) dont vous trouverez plus d'informations sur le site http://www.union3p.com/

Il a écrit un livre intitulé "Genetics for Trainers: Decoding the sports genes" disponible sur Itunes ou sur amazon.

Voici également des sites internet où vous pouvez trouver plus d'informations:

Stevy : Salut Arnaud, peux tu te présenter rapidement s’il te plaît ?

Arnaud : Salut Stevy,
Préparateur physique et coach de basket, je porte aujourd’hui plusieurs casquettes en fonction des besoins. Au fil des années et des expériences acquises, je propose mes services aux professionnels du sport, athlètes, staff et manager.
En fonction des besoins, ces missions prennent différentes formes, entrainement physique bien sûr, coaching, suivi de paramètres physiologiques pour la prévention des blessures, formation et audit des staffs, optimisation des process et espaces de travail, veille et intégration technologiques, accès à mon réseau de thérapeutes.
Comme tu le vois, c’est du service qui est établi en fonction des besoins. Je travaille tantôt avec des joueurs, tantôt avec des staffs ou front office et tantôt avec des entreprises.


Stevy : Tu as travaillé avec le BCM Gravelines pour la reprise de leur saison. Quel était ton rôle ?

Arnaud : Oui, c’est la 6ème fois que j’y vais ou peut être la 7ème. Je ne compte plus vraiment.
Le rôle est simple: créer l’environnement pour que les joueurs puissent exprimer leur potentiel. Je suis intervenu directement en liaison avec Clément Gautreau, coordinateur Médical et Kinésithérapeute du club afin de planifier et mettre en place la préparation de l’équipe Pro.
Je passe 8-10 semaines au club à cette période cruciale: bilan des joueurs (physiologiques, sanguins et mécaniques) complet pour établir les objectifs, les programmes et les exercices. Tout est individualisé en fonction de nos tests.

Stevy : Quelles méthodes d’évaluation utilises-tu quand tu prends en main un joueur/une équipe ?

Arnaud : La démarche BCM Gravelines est un cas un peu à part dans le paysage du basket français ; hérité du travail mis en place avec l’ancien kiné Yohann CASIN (aujourd’hui à l’ASVEL, cf itw réalisé sur le blog: http://www.sfbasketballtraining.com/2014/04/basket-health-itw-yohann-casin.html).
Nos joueurs passent par une batterie de test plutôt conséquente par rapport aux habitudes de la Pro A. En plus du classique bilan cardiaque obligatoire, nous réalisons sur le groupe Pro:

  • un bilan sanguin poussé,
  • une évaluation podologique et morpho-cinétique fait par nos deux podologues de haut vol (Mme Coquerelle et Mr Fouque)
  • un bilan ostéopathique et énergétique par le Dr Derchoul,
  • des tests isocinétiques,
  • des tests d’amplitude de mouvement et neurodynamique par le kinésithérapeute. 
  • pour ma part, je teste quantitativement et qualitativement des mouvements de squats, SJ, CMJ
  • enfin je passe tous les joueurs au TMG (tensiomyography) afin de cartographier leur activité musculaire. On a également d’autres jouets mais je les garde pour nous.
Tous ces tests ont certes un coût financier important et demande du temps. Le club comme le coach choisissent de soutenir cette démarche d’évaluation initiale parce qu’ils ont vu la différence et voient comment notre programmation découle de ces résultats.
L’élément important ce n’est pas vraiment la batterie de tests mais comment ces tests vont influencer le programme. Pour cela, nous passons un temps très important dès la fin des tests pour mettre en commun les analyses et recueillir les impressions du staff médical. Le nerf de la guerre est bien là. Pouvoir échanger, se comprendre et mettre en place des stratégies qui vont se transformer en remédiations.
Les tests et leur résultats sont au service d’une méthodologie et c’est important car je passe dans beaucoup de clubs et discutent avec énormément de professionnels de l’entrainement et je me rends compte que bien souvent, un bon nombre de tests servent à de la production de datas et rarement à de l’adaptation/programmation/évaluation de l’entrainement.
Ici, l’analyse de ces tests sont croisés pour créer des remédiations qui se traduisent en exercices. Certains tests sont donc réitérés dans la pré-saison et la saison pour évaluer la qualité du travail, adapter le programme, quantifier la fatigue.
A noter que nous n’avons pas fait de tests de VMA de terrain ni de tests de vitesse.

Stevy : Quelles sont tes priorités en pré-saison quand tu prends en charge une équipe ou un joueur ?

Arnaud : Le plus important pour moi c’est d’évaluer l’athlète: ses besoins comme son environnement, ses connaissances et sa motivation.
Si c’est une équipe, il faut alors analyser la structure et le coach. Le style de management et de coaching comme son style d’entrainement auront des répercussions sur votre travail.
Une fois cette étape passée, je cherche toujours une chose : répondre aux attentes donc c’est difficile de te fournir une réponse générique. Par exemple, le BCM cet été sort d’une mauvaise saison, pendant laquelle malgré un budget important, il finit mal classé et ne jouera pas de coupe d’Europe - la première fois depuis 6 ans. Le club recrute 2 « anciens » joueurs Sy et Albicy et s’entoure de jeunes diamants au physique exceptionnel Morency, Diabate, Aboudou.
Il y a donc des questions sur le groupe, de la pression pour gagner des matchs immédiatement. Nos 2 premiers matchs de préparation étaient attendus comme le premier match de saison de la part du management.
Donc pour notre pré-saison, j’ai eu un double objectif : donner des méthodes de travail à ce groupe jeunes et les amener à pouvoir produire leur meilleur basket, les capacités physiques étant l’un des paramètres.
Pour moi avant tout ce qui compte c’est que les joueurs soient capable d’encaisser les charges d’entrainement importantes qui vont leurs être proposées. Les pré-saisons de Gravelines ressemblent à deux mois commando : les joueurs sont à la salle 6-7 jours par semaine, de 9h à 13h et de 16h15 à 20h30. Des séquences longues qui intègrent les soins/récupération, le travail physique et technico tactique. Le temps est souvent ce qui nous manque à haut niveau, et nous faisons le choix de nous donner les moyens pour pouvoir travailler en profondeur. On peut le faire car nous faisons un suivi de la fatigue au delà de l’œil du taureau et des RPE, nous individualisons le travail d’échauffement, d’étirement, de renforcement et de récupération, nous adaptons nos charges d’entrainement suivant les réponses physiologiques et enfin nous assurons un suivi grâce au staff médical qui est la pour corriger dès qu’un problème survient.


Stevy : Quelles méthodes utilises-tu pour atteindre ces objectifs ?

Arnaud :
La tu rentres dans le détail et il sera difficile de partager cela sur le papier.
Nous n’avons pas fait de travail de VMA classique (course continue ou intermittent). Enfin, nous avons fait une seule séance en 10 semaines. On fait de la VMA, mais elle va se travailler par de l’intermittent de force sur le haut du corps ou le gainage et surtout lors des séquence 5c5.
Le football est passé depuis longtemps au SSG (small sided game) pour faire son travail de VMA en délaissant le coté course; j’ai juste emprunté le concept pour l’adapter au basket. Courir ce n’est pas le basket, on saute, change de direction, contact un autre joueur, repousse, le meilleur moyen de travailler sa VMA spécifique basket, c’est de jouer au basket en maîtrisant l’intensité et la quantité, non? Voilà donc la première piste.
Mon deuxième leitmotiv consiste à permettre aux joueurs d’encaisser les contraintes mécaniques et là je place une importance primordiale sur le concept de stabilisation dynamique (définie comme la capacité à maintenir une centration optimale de l’articulation durant le mouvement). Comme je l’ai précisé plus haut de l’analyse du mouvement et des tests, on va proposer des échauffements, des sorties d'entrainement en fonction de leur profil et besoins.
Les séances de musculation en salle (maximum 2 fois par semaines) et sur le terrain (3 semaines) ont pour objectifs d’harmoniser la force musculaire et proprioceptive de l’athlète par rapport à son profil (âge, jeu, antécédent et risque de blessure, niveau). Cela commence souvent par beaucoup de travail de gainage dynamique dans les différents plans de l’espace. On travaille également la motricité primaire pou engager le gainage et la musculature profonde lors d’échauffement.
L’essentiel est d’être à l’écoute de nos sportifs – que ce soit dans le dialogue ou dans le monitoring de paramètres physiologiques afin d’adapter la quantité de travail et la récupération.

Stevy : Selon toi, quelles améliorations devrait on apporter à la formation française des jeunes basketteurs pour les rendre encore meilleurs ?

Arnaud :
Je ne connais pas en détails la formation des jeunes, là c’est plus ton domaine. Je peux juste comparer avec les High School US et les Universités et les espoirs que je reçois dans mes camps.
Quand on récupère des jeunes aspirants en Pro, leur culture de l’entrainement physique est faible. Ils sont non seulement peu éduqués (techniques haltéro par exemple) mais très peu autonomes (manque d’objectifs?). Leur maturité dans leur approche de leur carrière peut également être améliorée ; ce qui je pense découle de la pédagogie que les staffs mettent en place mais aussi de la culture de notre société. Les américains sont plus individualistes. Ils apprennent très vite que c’est un « business » et non un jeu. Dès lors, ils se positionnent avec une attitude d’entrepreneur et non d’employés : ils recherchent les personnes qui peuvent les aider, réfléchissent à leur plan de développement et investissent dans les outils et les services. En France, cela commence dans le foot et le rugby, mais on a 20 ans de retard au moins.
Depuis 7 ans je propose des camps de préparation physique et Shooting à Los Angeles et je dois dire que c’est de mieux en mieux mais trop de joueurs fuient encore les contraintes du haut niveau pour passer des vacances. Les joueurs doivent comprendre que l’on ne doit pas être largué le premier jour du training camp bien au contraire. En NBA, les joueurs sont au top dès le premier, avec un training camp de 2 semaines on a pas le temps de faire une montée en puissance et de travailler à réguler les poids.


Stevy: Est-ce qu’il y a des croyances/méthodes dans le domaine de la préparation physique notamment au basket que tu aimerais voir disparaitre ou évoluer ?

Arnaud:
C’est une question difficile. Le PP est comme un mécano pour moi : il dispose de certains outils. Il y a des outils qui sont plus appropriés que d’autres à mon avis. Mais tout peut être utile en soi même à certains moment, par exemple les étirements statiques – et là il faudrait être précis sur le protocole. Les croyances négatives comme « la musculation ça blesse », « ça empêche de grandir» ou bien « la préparation physique c’est surtout faire courir les joueurs sur un stade».
Il fut un temps je pensais que la PP était le deuxième vecteur le plus important. De plus en plus, je me dis que c’est le plus important. C’est celui qui permet d’avoir un joueur proche de 100% pendant toute une saison, et non de composer avec le banc, les pigistes et les adaptations constantes pour le coach. Et pourtant c'est toujours la dernière roue du carrosse dans le basket – encore une fois je le répète, le foot et le rugby sont aujourd’hui à 2 années lumières du basket dans leur approche de la PP.


Stevy : Quel conseils donnerais-tu à un jeune préparateur physique ?

Arnaud :
De se former, constamment, toujours et encore. Pour ma part, je pars en formation tous les ans et cela depuis que j’ai commencé.  La formation prend plusieurs formes – livres, vidéos, congrès, formation, s’entraîner, les stages…En fait par extension, je pense que tout est formation, que ce soit l’écriture d’un livre, préparer des cours ou des interventions, un repas avec des collègues…c’est une vie riche d’apprentissage et de possibilités qui s’offre au PP en devenir.
Il faut également  voyager et échanger avec les professionnels. Les emails et les youtube, c’est bien mais aller voir sur le terrain les autres bosser, c’est ce qu’il y a de mieux. L’apprentissage par mentorship n’est pas très développé en France mais cela viendra je pense.
Enfin je pense qu’il est important de garder l’esprit critique mais seulement après avoir essayé (et plus qu’une séance) ou s’être formé. Trop de perroquets dans notre profession qui relaient les informations sans s’être mis en action. L’exemple du crossfit qui est tendance et que très peu de PP auront essayé finalement mais qu’ils critiquent tellement. Il faut remettre en question les dogmes et postulats et faire les allers retour entre le terrain et la recherche et ne pas hésiter à dire, « je ne sais pas »…Après tout, il y a tellement de chose que l’on ne sait pas et qu'on ne maîtrise pas. Mieux vaut rester humble.


Stevy : Quels sont tes différents projets pour la saison en cours ou les prochaines saisons ?

Arnaud :
Toujours plein de projets :-)
Je sors de 6 semaines de folie avec 2 A/R LA-Paris et des vols en interne aux US où j’ai travaillé avec Gravelines, donner des formations… Aux US, je suis 3 athlètes (2 joueurs de NFL, un de MLB) sur des données physiologiques. Sur un autre registre, je viens de signer pour la fin de l’année un consulting avec une équipe NBA pour de l’intégration technologique. Je reviens le mois prochain en France pour redonner une formation. En background, l’écriture de mon deuxième livre sur la méthode Pro-FTS que j’ai créée et dont je donne des formations aux US et en France via l’organisme Kinésport ainsi que l’organisation de mes camps d’été.
Au final, un emploi du temps varié et diversifié qui pourrait bientôt devenir plus calme : je discute avec des équipes des deux cotés de l’atlantique pour intégrer leur staff en plein temps. Il reste à trouver la bonne chaussure à son pied


Stevy : Merci beaucoup pour tes réponses. As-tu quelque chose à ajouter pour finir ?

Arnaud:
Merci à toi Stevy. Avec quelques collègues PP, nous avons créé une association de PP (U3P) afin de se regrouper. Pour la 3ème année nous allons proposer une conférence internationale pour échanger sur les diverses thématiques de la PP. N'hésitez pas à nous suivre sur Facebook et notre blog.
https://www.facebook.com/pages/Union3P/165554113570268
http://www.union3p.com/


Merci à Arnaud d'avoir eu la gentillesse de répondre à cette interview. On lui souhaite le meilleur pour la suite et pour ses nombreux projets.

SF