Fort de son expertise sur les aspects technico-tactiques du basket-ball européen, Jean-Christophe
PRAT nous éclaire sur les évolutions récentes du
jeu au plus haut niveau en Europe, sur le jeu en pick'n roll et sur la
formation des jeunes joueurs. Ses réponses amènent une grande réflexion quand au développement du basket-ball français et à la formation des jeunes. Je suis persuadé que beaucoup d'entraîneurs vont être intéressés par ses réponses. N'hésitez pas à partager l'article.
Je tiens à remercier Jean-christophe pour son sens du partage des connaissances, sa gentillesse et sa réactivité pour répondre à mes questions. Je lui souhaite une bonne continuation dans ses projets et j'espère qu'un club saura rapidement lui faire confiance.
Stevy :
En préambule de l'article, peux-tu te présenter et parler de tes projets à venir
?
Je
suis Jean-christophe PRAT, Entraineur de Basket.
Mes
clubs successifs ont été: Paris basket Racing (96–2003), Mulhouse (1/2 saison), Asvel (2003-2006), Orléans
(2006-2012) et Besiktas, Turquie (2012-13)
Dans
mon parcours j’ai eu la chance de faire des rencontres exceptionnelles avec des
coachs qui m’ont fait progresser techniquement mais surtout grandir en tant qu’homme.
Je tiens à les citer : Jacques Vernerey, Philippe Hervé et Erman Kunter, car
trop peu de coachs ont des démarches d’accompagnement et de formation.
Mes
projets :
L’année
dernière en rentrant de Turquie j’étais un peu « burn out ». On a
joué 85 matchs dans la saison, en jouant simultanément 3 compétitions
différentes (TBL, coupe de Turquie, Top 16 de l ‘Euroleague). Donc comme
aucune opportunité de coaching ne s’est présentée, j’ai décidé de faire une
année « off » pour recharger les batteries en famille. Cela faisait
17 ans de coaching sans interruption et ce « break » m’a permis de
trier toutes les notes que j’ai emmagasinées tout au long des saisons.
J'ai commencé l’année avec 15 classeurs remplis de notes aujourd’hui il
n’y en a plus que 2 :-)
Je
suis sur le marché pour coacher la saison prochaine.
En
parallèle, comme je suis un peu « travaillomanne », j’ai profité de cette
année pour finaliser avec mon associé l’ouverture à Paris de mon 2ème
restaurant.
Nous
ouvrons à la fin du mois un « Caffé –ristorante Italien, le
Basilic’O, 17 rue Brillat Savarin 750013 Paris. C’est un projet qui me tient à
cœur car nous y diffuserons beaucoup d’évènements sportifs et donc cela pourra
devenir un lieu de rencontre pour les sportifs et les entraineurs (quelque soit
le sport) à Paris.
Stevy :
Quelles sont pour toi les évolutions récentes et à venir du jeu au plus haut
niveau en Europe ?
Depuis 2
saisons, un entraîneur est en train de révolutionner le jeu en Europe. C’est
Coach Xavi Pascual du FC Barcelona.
Lorque l’on
regarde jouer Barcelone quelques matchs, on ne se rend pas toujours compte du
travail qu’il accompli avec son staff, car très souvent on pense que ce sont
les qualités individuelles des joueurs qui permettent de jouer d’une telle
façon.
Or, pour
avoir les avoir joués 4 fois la saison passée, tu vois que tous les joueurs développent les mêmes fondamentaux sur un aspect
précis du jeu en attaque : le jeu de passe.
Cette année,
j’ai scouté tous leurs matchs d’euroleague et de ligua. La progression
individuelle de chaque joueur par rapport au jeu de passe est exceptionnelle.
Le FC Barcelona cette année c’est le Basket 2.0.
Pour être
plus précis techniquement (c’est pas facile sans image et sans schéma), il y a
15 ans, on enseignait la triple menace et le jeu de passe
« poitrine-poitrine ». Depuis 5ans, les enseignements ont évolué vers un jeu de passe désaxé et aussi avec
de plus en plus de passes en mettant le ballon au dessus de la tête (comme
le faisait à la perfection Laurent Sciarra qui de ce côté là était un précurseur).
Xavi Pascual
va encore plus loin dans sa démarche cette année car, sur toutes les actions de
pick n roll, il demande à ses joueur de faire
des passes en sautant afin d’éviter les bras et les mains des défenseur (se
grandir au dessus de la défense).
De plus, comme
ses joueurs dominent leur sujet, depuis quelques matchs, ils sont maintenant capables de faire des passes aveugles (de leurrer
sur leurs intentions de passe).
Défensivement,
il a aussi un temps d’avance sur tout le monde sur 2 aspects :
-
La capacité
qu’ont ces joueurs à lire les intentions du porteur (dans les
apprentissages défensifs chez les jeunes, il est important pour les joueurs qui
ne défendent pas sur le ballon de regarder les yeux du porteur)
-
Les attitudes
de bras coordonnées entre chaque joueur afin de couvrir les différentes ligne
de passe, notamment sur les situations défensives de l’écran porteur.
Enfin, pour finir, il ne faut jamais oublier le sens
tactique.
Par exemple, sur chaque temps mort, ou sur la première
action de chaque quart-temps, c’est une opportunité pour mettre en place un
« Short play » en attaque que l’adversaire n’aura pas scouté, et
ainsi de peut être marquer un panier plus facilement (j’appelle cela « voler
un panier »).
Cette année, Maccabi Tel Aviv, Barcelona le font
systématiquement.
Stevy : Peux
tu nous parler du jeu en Pick n’Roll au plus haut niveau ?
Quel coach ne se retourne pas le cerveau chaque
semaine pour savoir comment défendre le pick'n Roll ?
Cette question, chaque coach se la pose en permanence
et cela devient parfois un cauchemar pour certains!
Faut-il faire de la protection, de l’inversion, sortir
parallèle au pick (Step out), sortir à plat (Flat Edge), switcher, passer en
dessous et s’il y a Re-Screen que fait-on ?, …
Défensivement, lorsque je scoute l’équipe adverse, les
1ères questions que je me pose c’est :
-
Qui peut jouer
des écrans porteur dans l’équipe adverse ?
-
Avec quel
objectif : Driver, Tirer, fixer- passer, …
-
Ces joueurs
sont-ils capables de jouer l’écran porteur main droite et main gauche ?
-
Quand ont lieu
les situations de Ball pick (en début d’attaque, en fin d’attaque, …)
-
Où se situent les
écrans porteur, à 45°, en position de 2ème arrière, dans l’axe, ..
Une fois que j’ai synthétisé toutes ces informations,
je définis une stratégie avec un plan A et un plan B.
La grosse évolution du jeu défensif sur ces 5
dernières années, c’est qu’il y a encore peu de temps, les équipes avaient une ou deux façons
de défendre l’écran porteur.
Or, aujourd'hui, ce n’est plus possible car le scouting
permet d’anticiper trop facilement. L’année dernière pour notre match de
qualification au top 16 contre Bamberg, leur staff avait fait un gros travail
de scouting offensif et donc il nous avait fallu changer 3 fois de défense sur
les pick à 45° pour trouver la solution au problème qu’ils nous ont posé (notre défense à 45° était Step out,
notre plan B était Protection et finalement à la mi-temps nous avions décidé
d’inverser sur ces picks).
Pour faire cela, il faut travailler au quotidien à
l’entrainement les différentes situations afin d'être performant et pro-actif le
jour du match. Comme je dis toujours, un coach n’est pas un magicien, tout se
prépare et s’anticipe. La préparation prime à l’action. Si tu es bon du lundi
au vendredi, il y a de grandes chances que le match se déroule facilement !
Pour
finir sur l’écran porteur, il faut aussi tenir compte des qualités individuelles
de tes joueurs. Tu ne fais pas défendre de la même façon un joueur de 2m20 et
un joueur de 2m ou un arrière de petite taille et un arrière de grande taille.
Stevy: Sur quels aspects technico-tactiques doit se focaliser la formation du jeune
joueur pour l’amener au plus haut niveau européen ?
En
Serbie, ils disent qu’en 4 ans tu peux « fabriquer » un joueur
professionnel.
La
seule chose qu’ils regardent, notamment chez les grands, c’est la motricité
(dans les courses) et la capacité à enchainer les actions.
Dans
la formation, il faut être patient. A partir de 16 ans (entrée en centre de
formation), il est important de beaucoup s’entrainer (on ne s’entraine pas
assez en France mais c’est du à notre système éducatif).
La
formation doit être individualisée en fonction du potentiel de chaque joueur et
de ses qualités intrinsèques. Par exemple, un joueur de grande taille aura
besoin d’un travail spécifique de renforcement musculaire (gainage-abdos) ce
qui ne sera peut être pas le cas d’un arrière.
Au
niveau des apprentissages, il ne faut jamais dissocier la technique de la tactique
(ce que l’on a souvent tendance à faire en France).
L’école
du jeu, c’est la maitrise des fondamentaux individuels incorporé dans des
situations de jeu modélisées (jeu à 2, à 3, à 4) pour arriver au 5 contre 5 qui
doit être une partie importante de nos séances.
On
me pose souvent la question mais comment doit-on enseigner les fondamentaux: à
travers des exercices, du 5 contre 5, … ?
Je
pense qu’une séance doit se découper avec des échauffements sur les
fondamentaux, puis une mise en pratique de ces basiques dans du jeu réduit et
enfin du jeu en 5 contre 5 (60% de la séance).
L’autre
aspect important c’est le tir. Il faut développer l’autonomie dans le travail
par rapport au tir. Les joueurs n’ont pas besoin des coachs pour venir faire 500
tirs à la salle.
Je
vais vous donner un exemple :
L’année
dernière, le 13 aout, 1ère séance avec BESIKTAS à 10h du matin,
j’arrive à la salle à 7h30 pour préparer la séance, à 8H30 j’entends des
ballons rebondir dans le gymnase.
Je
vais voir. Deux joueurs turcs (Muratcan Guler et Tutku Acik) étaient en train de
faire du tir 1h30 avant la séance. Je me présente et ils m’expliquent que tous
les matins il viennent faire 200 tirs chacun pendant 30 minutes, après ils font
leur gamme d’étirement, il vont se faire « strapper » et ils sont
prêt pour commencer la séance à 10h.
Le
soir, ils restent de nouveau 30 minutes pour faire 200 tirs. Au final ils auront
fait 400 tirs dans la journée.
De
plus, après l’entrainement du soir, ils ont parlé avec tous les jeunes du centre
de formation qui s’entrainaient avec nous pour leur demander où ils étaient le
matin même à 8h30 (les jeunes étaient arrivés 10 minutes avant la séance).
Le
lendemain matin, à 8h30, il y avait 10 joueurs sur le terrain en train de tirer.
En
tant que coach, nos meilleurs assistants ce sont souvent les joueurs cadres qui
relaient nos messages.
En
synthèse, au delà des enseignements technico-tactiques, il faut développer chez
nos jeunes potentiels, le goût de l’effort et l’autonomie dans le travail.
Stevy: Peux-tu développer la notion de prise d’information chez les joueurs ?
Lorsque
j’enseigne à mes joueur, j’essaye toujours de donner du sens (Pourquoi on fait
les chose). Pour y répondre, je développe la technique individuelle à travers
différentes situations (Comment on fait les choses) et enfin il y a
toujours une notion de tactique (Quand, à quel moment du match, on fait
telle ou telle autre chose)
La
bonne prise d’information, c’est la capacité à anticiper, à voir avant les autres.
En
attaque pour anticiper, il faut avoir pris l’information avant de recevoir le
ballon (notion de vision périphérique). Pour cela, il faut travailler sur la
dissociation segmentaire (avoir la capacité à désaxer la tête par rapport au
ballon).
Pour
répondre le plus simplement possible, je demande à mes joueurs en attaque de ne
regarder que les joueurs en défense (malheureusement cela n’est pas très
naturel :-)
).
En
défense, pour anticiper, je demande 2 choses :
-
de bouger avec le ballon, (ce qui prend beaucoup
de temps pour que tout le monde le fasse dans le bon timing).
- Et de regarder les yeux du porteur, car cela
permet d’anticiper sur les intentions de jeu de ce dernier (donc souvent avoir
un temps d’avance).
Pour
aller plus loin dans les explications, il faudrait que l’on soit dans un
gymnase et se mettre en situation.
Une dernière
chose: avec mon collègue Noam Rudman (Ancien Coach Pro), nous organisons la 2ème
édition de notre « clinic Open Mind ». C’est gratuit, en île de
France (au mois de juin). C’est sur une journée et le thème sera le 1 contre 1.
Pour ceux qui seraient intéressés, vous pouvez me contacter (nous limitons l’accès
à 40 places). Mon email : jcprat2702@gmail.com
Merci encore à JC PRAT pour ses réponses.
Si vous souhaitez lui poser des questions sur l'entraînement, postez un commentaire à la fin de l'article et il vous répondra.
SF
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