25 avr. 2014

Un aperçu de la philosophie de formation du club KK Spars Sarajevo (Bosnie)

Le récent tournoi "Lions' cup" à Charenton le pont a permis de se faire une idée de la philosophie de jeu et de formation d'équipes U15 de différentes équipes internationales. Évidemment, elles ne sont pas forcément représentatives de ce qui se fait dans le pays entier.

L'équipe KK Spars Sarajevo (http://www.kkspars.com/) est arrivée en finale contre le club de Charenton le pont.



La philosophie de formation du KK Sarajevo est la suivante:
  • Identifier les joueurs potentiels haut-niveau de chaque génération 
  • Les former et les faire jouer rapidement sur leur futur poste de jeu en senior
  • Leur laisser une grande liberté d'actions et de prise d'initiatives sur le terrain
  • Leur donner beaucoup de temps de jeu lors des matchs
  • Tolérer leurs erreurs technico-tactiques lors des matchs (pertes de balle, mauvais choix de tir, ...)

Après discussion avec le coach de l'équipe Srna Bakir, il m'a expliqué les points suivants:
  • Cette équipe U15 rassemblait des joueurs de 2 équipes du club: les U14 (les joueurs nés en 2000) et les U16 (les joueurs nés en 1999). Ils s'étaient entrainés collectivement une seule fois avant le tournoi.
  • Ils ont clairement identifié des joueurs potentiels haut niveau et les font évoluer le plus rapidement possible à leur futur poste en leur donnant un maximum de temps de jeu et de responsabilités:
      • le joueur numéro 14: Bajo Darko, né en 1999, 2m03, poste 2/3. Il est capable de remonter le terrain balle en main, attaquer le panier main droite comme main gauche pour aller marquer ou pour passer, et enfin de shooter à mi-distance ou à 3 points. Il joue presque exclusivement face au cercle. Il joue beaucoup en tête de raquette en 1c1 avec ou sans écran porteur. 
      • le joueur numéro 15: Erwin Gutic, né en 2000, 1m99, poste 4/5 pour le moment mais qu'ils vont amener sur les postes 3/4 pour le haut niveau. Très peu d'initiatives personnelles pour le moment. Il joue dans la raquette et dans les zones intermédiaires. Il manque de dureté et d'agressivité. Il peut tirer à mi-distance mais le tir n'est pas encore fiable.  
      • le joueur numéro 12: Sani Campara, né en 1999, 1m88, poste 1/2. C'est un meneur avec un tres bon tir et une forte intensité. Il est bon dans la lecture sur pick and roll. Il est capable de tirer très rapidement. Il met beaucoup de rythme sur jeu rapide. Il a fini MVP du tournoi.
  • Les U17 (cadets) s'entraînent 2 fois par jour tous les jours (matin: travail individuel et soir: travail collectif).
  • Certains joueurs suivent des cours par correspondance et ne vont à l'école que pour passer les examens.
  • L'attaque représente environ 70% du travail à l'entrainement et la défense 30% .
  • En championnat, ils jouent environ 50 matchs par an quand nos U18 et U15 France en jouent environ 20-25 par saison.

Enfin, le jeu offensif de l'équipe est basé soit sur du 1c1 direct pour tirer ou passer; soit sur des écrans porteurs en tête de raquette, soit sur des petits systèmes avec des écrans non porteurs (rentrant ou sortant) pour libérer le n°14, 15 ou 12 principalement.

L'équipe défend en homme à homme demi-terrain. La défense collective n'est pas très organisée (aides défensives tardives et manque de rotation). La défense sur porteur n'est pas très forte. Ils sont souvent dominés au rebond (pas d'écran retard et les grands pas assez concernés). Ils ont utilisé une zone press en toute fin de match contre l'asvel et charenton pour remonter au score.

Voici une vidéo qui montre le joueur numéro 14, Bajo Darko (2m03), en action.


14 avr. 2014

Transition des jeunes joueuses vers le haut-niveau & Différences avec l'Espagne et les USA par Jérôme Fournier, Coach en LF1 au Toulouse Metropole Basket



Suite à son passage du CFBB à la Ligue Féminine 1 avec le Toulouse Métropole Basket cet été, Jérome Fournier nous éclaire sur les difficultés rencontrées par les jeunes joueuses pour évoluer immédiatement dans le championnat pro féminin et sur les pistes possibles d'amélioration de la formation française. Il détaille ensuite les différences entre les équipes de France jeunes et les équipes nationales d'Espagne et des USA.
Jérôme est un perfectionniste Il demande une grande exigence à ses joueuses lors des entraînements et des matchs. Il essaie toujours de faire évoluer ses méthodes et son coaching. Merci à lui d'avoir répondu à mes questions en toute simplicité!
N'hésitez pas à partager l'article au plus grand nombre. 



Stevy : Salut Jérome, peux-tu te présenter rapidement s’il te plaît ?


Jérome : JEROME FOURNIER, 42 ans, Entraîneur National à la FFBB et Coach du Toulouse Métropole Basket, club qui évolue en LFB.
J’entraîne depuis l’âge de 16 ans, d’abord dans la région nantaise dont je suis originaire puis sur PARIS (Charenton le  pont).
Ensuite, je suis parti en RHONE ALPES pour exercer mon métier de cadre technique, responsable de la formation des cadres.
Je suis resté 4 ans dans cette magnifique région avant d’intégrer l’INSEP et de travailler au sein du CFBB.
Je suis resté presque 10 années dans le bois de Vincennes à travailler sur le secteur féminin.
Dix années exceptionnelles au contact de joueuses formidables et de techniciens remarquables.
Je suis également entraîneur des Equipes nationales de jeunes filles durant l’été (U16, U18, U19 et U20).
Depuis une saison, j’ai décidé de me lancer dans une autre aventure, celle de coach d’une équipe professionnelle au TOULOUSE METROPOLE BASKET.


Stevy: Tu es passé de la formation vers le haut niveau de jeunes joueuses au coaching dans un club professionnel. Quelles sont, selon toi, les principales difficultés rencontrées par les jeunes joueuses sortant du CFBB ou d’un centre de formation pour jouer tout de suite en LFB ?

Jérome : Je vais répondre à cette question exclusivement d’un point de vue technique.
Toutefois, je pourrais également passer par un autre prisme, psychologique par exemple….

Les principales difficultés sont liées à l’intensité optimale, l’engagement optimal et la vitesse optimale.

En effet, une jeune joueuse qui sort du CFBB ou d’un centre de formation a développé une intensité dans laquelle elle contrôle techniquement ce qu’elle exécute. En arrivant en LFB, elle doit augmenter intensité, engagement et vitesse sans perdre le contrôle technique.

D’autre part, ces jeunes joueuses doivent également se mettre au niveau quant à la prise de décision.

Lorsqu’elles évoluent au CFBB ou dans leur centre de formation, le timing des prises de décisions est moins « serré ». En arrivant en LFB, elles doivent synchroniser ces prises de décisions avec le jeu de manière plus pertinente. C’est la raison pour laquelle il leur faut anticiper davantage, comprendre les situations avec beaucoup plus d’acuité.

Enfin, le niveau défensif en LFB leur impose un investissement plus important que lorsqu’elles jouaient en LF2 ou NF1 avec leur centre de formation respectif.
 

Stevy : Que pourrait-on améliorer dans la formation en France pour permettre aux jeunes joueurs/joueuses d’être le plus rapidement possible opérationnels en Pro A ou en LFB voire au niveau européen ?

Jérome : Premièrement, je tiens à souligner que notre système même s’il est loin d’être parfait est d’une très grande qualité. Et lorsque je parle du système je pense à l’ensemble du process et de ses acteurs (clubs, comités, ligues, FFBB etc…).
Cette première remarque est importante car elle participe à l’idée que je me fais de la culture de la GAGNE. Cette culture passe par une ATTITUDE POSITIVE quant à la représentation que l’on a des choses.


Ensuite et pour répondre précisément à ta question, je pense que plusieurs axes d’amélioration doivent être envisagés :


1-     Développer maturité, sérénité et leadership chez les plus jeunes en développant très vite avec eux une relation de confiance et d’autonomie. Il s’agit en effet de les accompagner dans l’émergence et  l’expression de ces différentes ressources.

Les entraîneurs prennent souvent une place qui n’est pas adaptée dans la relation entraîneur/entraîné(e).


2-      Développer davantage le sens tactique et la culture du jeu à la fois en les sensibilisant au plus haut niveau et surtout en travaillant avec eux sur un principe pédagogique très simple :

PARTIR DU JEU, CONSIDÉRER LA TECHNIQUE COMME UN MOYEN AU SERVICE DU JEU, JOUER DANS TOUS LES SENS DU TERME.


3-      Ensuite pour être opérationnelle en LFB, PRO A et PRO B, les jeunes doivent passer du temps sur le terrain. Et plus loin, il faut leur donner des responsabilités sur le terrain.

Nous avons d’excellents jeunes qui ne jouent pas ou lorsqu’il joue, leur niveau de responsabilité ne les amène pas à se développer comme ils devraient.

Cette question de la responsabilité est le pallier supplémentaire pour s’exprimer au niveau international.

En effet, c’est une réelle différence avec les autres nations européennes. Leurs jeunes jouent davantage mais surtout ils jouent en assumant de réels responsabilités dans le jeu.



Stevy : Pour toi, la formation d’une joueuse doit-elle être différente de la formation d’un joueur ?

Jérôme : Je pense que la formation est une question très subjective. Donc elle doit être différente entre une joueuse et un joueur mais plus loin elle doit être différente entre les joueuses entre elles et les joueurs entre eux.
Individualiser la formation doit être aujourd’hui la préoccupation de tous les entraîneurs s’ils veulent développer leurs joueuses et leurs joueurs.

Il s’agit en effet de considérer chaque individu comme étant singulier et de développer chez lui toutes les ressources qu’il proposera.

La première règle que chaque entraîneur doit s’imposer est celle du respect de l’autodétermination de ses joueuses et joueurs. Trop souvent les entraîneurs s’identifient, se projettent, fantasment une réalité qui n’est pas celle de leur public. Je pense que la motivation doit venir exclusivement de la joueuse ou du joueur. L’entraîneur n’est là que pour les accompagner (la joueuse et sa motivation)


La seconde règle est de travailler principalement sur les points forts de son athlète. Plus l’athlète est jeune et plus le dosage doit être équilibré entre points forts et points à améliorer.

En revanche plus l’athlète devient expert et plus il s’agit de le renforcer dans ce qu’il maîtrise à la fois pour développer son expertise mais surtout améliorer sans cesse son niveau de confiance en soi.



Stevy : Si tu devais changer 3 points (technique ou tactique) que les entraîneurs ont l’habitude d’enseigner aux jeunes joueurs et que tu trouves aberrants, quels seraient ils ?

Jérôme : Si tu me permets Stevy, je vais répondre à cette question sans considérer que ce sont des enseignements aberrants mais plutôt dénués de sens.
Je m’interroge toujours sur la question du sens que l’on donne aux choses.


Par exemple, certains considèrent que l’enseignement de la défense de zone chez les jeunes (minimes) est un non sens.

Certains pensent (souvent les mêmes) qu’avec ce public il faut défendre tout terrain avec de grandes prises de risques (idée des prises à deux).

Pour ma part, je crois que pour développer une jeune basketteuse (ou un jeune basketteur), il faut la placer dans ces deux situations de manière équilibré (à l’entraînement notamment car en match cela dépend de l’adversaire).

En effet, ce sont deux situations que je considère comme des problèmes à résoudre.
D’autre part, sur le plan pédagogique, ces deux situations contribuent au développement offensif et défensif de la joueuse :
-          La zone car elle développe le tir, l’expression de la prise de décision sur le demi terrain et le contrôle des espace en défense
-    La défense tout terrain car elle permet le développement du contrôle technique sous pression, l’exploitation des surnombres suite aux ballons volés et l’agressivité défensive.

Toutefois, la situation défensive la plus intéressante au regard de ce qui se pratique au plus haut niveau reste la défense en fille à fille sans prise de risque démesurée.
C’est la raison pour laquelle je pense que c’est elle qui doit être enseignée en plus grande quantité chez la jeune joueuse afin d’installer très tôt des repères défensifs pertinents.
Zone, pressing et zone press devant être utilisées parcimonieusement…

Deuxième point, technique celui-là, il concerne le tir. Je pense que le tir en suspension n’est pas enseigné suffisamment dans le basket féminin.
En effet, de nombreuses joueuses possédant une bonne coordination se contente de tirer en extension ou pire de plein pied.
Je pense souvent qu’il s’agit d’abord d’une question d’engagement dans un geste technique.
Les entraîneurs doivent vérifier en permanence cet engagement afin que la joueuse s’investisse totalement physiquement dans son tir.

Troisième et dernier point l’enseignement des fondamentaux individuels offensifs doit se faire par et pour le jeu. Éviter les situations totalement décontextualisées ou la forme prend le pas sur le fond.
Partir du jeu (réduit ou global) et mettre du sens technique afin de répondre aux problèmes générés par le jeu.
Ensuite faire des allers retour avec des situations 1 contre 0 simplement pour répéter le geste technique en question.


Stevy : Tu es également coach sur les équipes de France jeunes l’été. Quelles différences principales (individuelles et/ou collectives) as-tu remarquées avec les équipes nationales d’Espagne et des USA par exemple ? A quoi sont liées ces différences ?

Jérôme : Tout d’abord, je vais répondre à cette question en pointant ce que nous faisons de bien par rapport à ces deux nations et qui nous permet aujourd’hui de les jouer dans les yeux (à certains moments seulement pour les USA).

Premièrement nous défendons avec une très grande agressivité, nous prenons les lignes de passe (deny) et nous contrôlons le rebond défensif aussi bien que ces deux nations voire mieux.
En attaque, nous jouons sur le demi terrain avec beaucoup de rigueur et de discipline ce qui nous permet de bien sélectionner nos tirs et surtout d’avoir un très bon contrôle du rebond offensif.
Les espagnoles quant à elles nous sont supérieures dans l’expression technique avec le ballon, leur aisance leur permet de créer du jeu quelque soit le poste et ainsi elles trouvent des passes et des tirs que nous ne trouvons pas.
Collectivement, les espagnoles évoluent sur des principes de jeu sans ballon dans lesquels la porteuse est toujours accompagnée dans le petit jeu, leur aisance avec la balle leur permettant de toujours trouver cette joueuse à proximité du ballon.
Les américaines nous sont supérieures au plan technique sur la qualité des passes. Leurs passes sont fortes, précises et d’une grande promptitude. En effet, elles ont cette capacité à attraper-passer quand nos joueuses ont besoin de placer le ballon au dessus de la tête pour prendre des infos puis ensuite décider. La force des américaines : L’ANTICIPATION.
Cela se traduit au plan collectif par un jeu rapide à 5 d’une très grande qualité. Ce jeu rapide est lié à ce niveau d’anticipation de très haut niveau.
De plus comme les espagnoles, elles ont cette capacité à enchaîner rebond-dribble alors que notre culture du jeu rapide est davantage lié à l'« outlet » (sortie de balle par la passe).
Ceci représente un enjeu important dans le développement de notre jeu.
Je crois que nous devons perfectionner notre jeu rapide en travaillant à la fois sur l’ANTICIPATION et le registre technique rebond-dribble.

Ces différences sont souvent culturelles.Elles sont liées à notre manière d’enseigner les choses.
C’est la raison pour laquelle il me semble que nous avons la possibilité de changer un certain nombre de choses pour nous améliorer. S’inspirer des américaines et des espagnoles constituent dès lors une démarche intéressante.
Cependant nous avons aussi le devoir de préserver et de renforcer nos points forts.
Le danger serait de considérer que l’herbe est plus verte ailleurs.
Notre culture basket a de nombreux atouts :
LA DEFENSE
LE REBOND OFFENSIF
LA DISCIPLINE SUR LE DEMI TERRAIN
L’ADRESSE
mettons les en avant.
A bon entendeur…



Stevy : Merci beaucoup pour tes réponses. As-tu quelque chose à ajouter pour finir ?


Jérôme : Tout d’abord te remercier Stevy pour ta sollicitation.
Ensuite te féliciter pour le travail réalisé sur ton blog.

Travail très riche, travail pertinent, travail partagé.

Bon vent pour la suite…





SF

13 avr. 2014

Basket & Health: ITW Yohann Casin, Kinésithérapeute de l'ASVEL - Physical therapist at ASVEL Basket



La fonction du kinésithérapeute au sein d'un club professionnel est essentielle pour optimiser la performance des joueurs et donc de l'équipe. Son rôle et ses missions s'étendent de plus en plus au sein du staff. J'ai souhaité poser quelques questions à Yohann Casin, kinésithérapeute à l'ASVEL Basket, car il participe à cette évolution de la place du kiné grâce son expertise et à la recherche constante d'une amélioration de ses compétences.  



Stevy : Salut Yohann, peux-tu te présenter rapidement s’il te plaît ?

Yohann : Bonjour Stevy, je suis le kinésithérapeute de l’ASVEL Basket Villeurbanne Lyon Pro A depuis 2011 et un des kinés qui intervient sur l’EDF masculine A de Basket depuis 2009. Je termine ma 10ème saison LNB après avoir officié à Besançon (« feu » BBCD) et au BCM Gravelines.
A l’Astroballe, je suis présent à tous les entraînements, matchs et je fais des soins quotidiens pendant toute la saison (août/juin).


Stevy : Quelles sont tes missions principales au sein de la structure professionnelle de l’ASVEL ?

Yohann : Je suis kinésithérapeute salarié et je collabore avec un médecin du sport (Dr PLAT), un ostéopathe (Mr BARBARO) et tout un réseau de consultants lyonnais. Je dois tester les joueurs à chaque début de saison et assurer un suivi médical longitudinal.
Je leur propose aussi des exercices d’échauffement ou de musculation adaptés individuellement pour limiter les effets néfastes de leur activité ou leurs déformations posturales; les objectifs étant d’avoir le moins de blessures possible, de la moindre gravité possible et de favoriser leur capacité de volume dentraînement (musculation ou basket). Plus ils seront aptes à s’entraîner, meilleur sera leur niveau d’expertise (athlétique et technique). C’est pour ça que j’accorde une place importante aux soins quotidiens de récupération à mes joueurs les plus à risque.


Stevy : Quelles méthodes d’évaluation utilises-tu quand tu prends en main un joueur ?

Yohann : Je me base sur:

  • les tests fonctionnels (National Academy of Sport Medicine & autres; réalisés sous contrôle vidéo),
  • des tests d’équilibre (Proprioception basiques et très reproductibles: test unipodal yeux ouverts dans le noir, sur Balance Pad Airex®..),
  • des tests médicaux sur l’appareil locomoteur (mobilité articulaire, tensions et restrictions du conjonctif: testing de la qualité ligamentaire…)
  • et des tests de mobilisation neuro méningée (Neuro-Dynamics).

Au fil des ans j’ai adapté mes tests pour aller dépister toutes les blessures les plus fréquentes de nos basketteurs pros. Comme le pilote de ligne qui fait un « Check up » complet en passant tout en revue avant de décoller…


Stevy : Quels sont les problèmes que tu rencontres généralement chez les joueurs à la suite du bilan initial ?

Yohann : Voici les plus fréquents:

  • Articulaires: raideurs de hanches, cheville, thoracique ou de l’hallux (gros orteil), limitation d’ouverture d’épaule 
  • Musculaires: Faiblesse de force sur les quadriceps, lombaires ou obliques ou ilio-psoas, 
  • Sensorielles: Déficit d’équilibre unipodal yeux ouverts dans le noir (dépendance visuelle =mauvais utilisation des afférentes proprioceptives en complément des afférences visuelles, combiné à un déficit de force des moyens fessiers/stabilisateurs de cheville) 
  • Fascii ou conjonctives: LLE (ligament de l’entorse de cheville) fibrosé et douloureux de manière chronique,  
  • Neuro méningé: hypomobilité du nerf sciatique dans les muscles fessiers profonds (piriformis, pelvi trochantériens..), hypomobilité du nerf fémoral dans le muscle ilio-psoas 
  • Moteur: Problème d’activation neuromusculaire et de représentation des mouvements de base (squat, fentes…)

 
Stevy : Quelles méthodes utilises-tu pour remédier à ces problèmes ?

Yohann : Sur table, je pratique des soins de thérapie manuelle pour détendre et ainsi gagner le relâchement et l’amplitude nécessaires pour faciliter l’activation des muscles à l’origine de la dysfonction.
Ensuite, debout et avec peu de matériel, vient l’échauffement orienté et ciblé sur les zones à déverrouiller:

  • celles enraidies au fil des ans (non objectivables par contrôle radiologique) car sous utilisées (fibrose des fascii/ligaments ou « pattern moteur erroné ») 
  • ou alors abîmées sur le plan anatomique (lésions articulaires cartilagineuses…).

Cela reste à mes yeux, le meilleur traitement pour les activer, les libérer et les préparer à être plus « disponible » pour qu’elles remplissent pleinement leurs fonctions.


Stevy : Comment envisages-tu la réathlétisation du joueur blessé ?

Yohann : Dès la survenue de la lésion, je vais faire les soins kiné pour accélérer la cicatrisation et, en même temps, je vais chercher au travers d’exercices en salle de musculation à  :

  • maintenir les fonctions « instables » qui pourraient se désentraîner, voire se déprogrammer, lors de son arrêt: par exemple en cas de mauvais gainage, déficit chronique de force des fessiers ou quadriceps…

  • augmenter la trophicité de la zone lésée en activant le travail de muscles locaux sur la lésion ou à distance, sur le membre inférieur: ilio-psoas ou piriformis/fessiers par exemple. Ces derniers vont ainsi améliorer les flux neuro-vasculaires pour optimiser la récupération et la cicatrisation.

  • activer les zones qui vont aider à compenser les dysfonctions liées à la lésion et à réaligner le segments afin de restaurer une bonne fonction sans risque de nouvelle lésion. C’est à dire gain articulaire et de force des stabilisateurs de la hanche en cas d’entorse de cheville ou du genou…

Le préparateur physique sera en charge du conditionnement et des exercices de reprise basket sur le terrain principalement.


Stevy : Est-ce qu’il y a des croyances/méthodes dans le domaine de la kinésithérapie du sport que tu aimerais voir disparaitre ou évoluer ?

Yohann : Beaucoup de kinés de club tombent dans la routine des soins de physiothérapie + anti-inflammatoires oraux (= « la concurrence chimique déloyale ») et oublient que le corps d’athlète de haut niveau peut travailler 2 voire 3 fois plus qu’un individu lambda.
Or, bien souvent mes confrères oublient que ces quelques jours d’arrêt préconisés au joueur pour améliorer les effets des soins (ultrasons…) masqueront en fait les effets de la cicatrisation naturelle de l’individu. Donc auront-ils été réellement efficaces lors des soins? Ou alors est-ce que seule la récupération/cicatrisation physiologique aura fait son chemin?
C’est pour ça que je milite pour que les kinés cherchent à avoir un effet immédiat à chaque séance (même limité) et à structurer les soins pour aller jusqu’à l’éducation du joueur (comment muscler le quadri même en cas de douleur de tendon rotulien…), car sinon ils s’exposent à ne faire que de la "bobologie" qui poussera le joueur encore plus vers une lésion grave…

Stevy : Merci beaucoup pour tes réponses. As-tu quelque chose à ajouter pour finir ?

Yohann : Je suis très heureux de voir que de plus en plus d’acteurs se mobilisent pour faire évoluer les pratiques et ainsi améliorer le quotidien de nos joueurs. Et merci encore, mon cher Stevy, pour cette excellente initiative qui propagera certainement de bonnes choses pour la future génération de PARKER, DIAW & Co…


Merci beaucoup à Yohann pour ces réponses.

SF

4 avr. 2014

Evolutions récentes du jeu au plus haut-niveau, Jeu en pick'n roll, la Prise d'information et la Formation des jeunes par Jean-Christope PRAT


Fort de son expertise sur les aspects technico-tactiques du basket-ball européen, Jean-Christophe PRAT nous éclaire sur les évolutions récentes du jeu au plus haut niveau en Europe, sur le jeu en pick'n roll et sur la formation des jeunes joueurs. Ses réponses amènent une grande réflexion quand au développement du basket-ball français et à la formation des jeunes. Je suis persuadé que beaucoup d'entraîneurs vont être intéressés par ses réponses. N'hésitez pas à partager l'article.
Je tiens à remercier Jean-christophe pour son sens du partage des connaissances, sa gentillesse et sa réactivité pour répondre à mes questions. Je lui souhaite une bonne continuation dans ses projets et j'espère qu'un club saura rapidement lui faire confiance.

                                                   

Stevy : En préambule de l'article, peux-tu te présenter et parler de tes projets à venir ?


Je suis Jean-christophe PRAT, Entraineur de Basket.
Mes clubs successifs ont été: Paris basket Racing (96–2003), Mulhouse (1/2 saison), Asvel (2003-2006), Orléans (2006-2012) et Besiktas, Turquie (2012-13)

Dans mon parcours j’ai eu la chance de faire des rencontres exceptionnelles avec des coachs qui m’ont fait progresser techniquement mais surtout grandir en tant qu’homme. Je tiens à les citer : Jacques Vernerey, Philippe Hervé et Erman Kunter, car trop peu de coachs ont des démarches d’accompagnement et de formation.

Mes projets :
L’année dernière en rentrant de Turquie j’étais un peu « burn out ». On a joué 85 matchs dans la saison, en jouant simultanément 3 compétitions différentes (TBL, coupe de Turquie, Top 16 de l ‘Euroleague). Donc comme aucune opportunité de coaching ne s’est présentée, j’ai décidé de faire une année « off » pour recharger les batteries en famille. Cela faisait 17 ans de coaching sans interruption et ce « break » m’a permis de trier toutes les notes que j’ai emmagasinées tout au long des saisons. J'ai commencé l’année avec 15 classeurs remplis de notes aujourd’hui il n’y en a plus que 2 :-)

Je suis sur le marché pour coacher la saison prochaine.

En parallèle, comme je suis un peu « travaillomanne », j’ai profité de cette année pour finaliser avec mon associé l’ouverture à Paris de mon 2ème restaurant.

Nous ouvrons à la fin du mois un « Caffé –ristorante  Italien, le Basilic’O, 17 rue Brillat Savarin 750013 Paris. C’est un projet qui me tient à cœur car nous y diffuserons beaucoup d’évènements sportifs et donc cela pourra devenir un lieu de rencontre pour les sportifs et les entraineurs (quelque soit le sport) à Paris.


Stevy : Quelles sont pour toi les évolutions récentes et à venir du jeu au plus haut niveau en Europe ?


Depuis 2 saisons, un entraîneur est en train de révolutionner le jeu en Europe. C’est Coach Xavi Pascual du FC Barcelona.
Lorque l’on regarde jouer Barcelone quelques matchs, on ne se rend pas toujours compte du travail qu’il accompli avec son staff, car très souvent on pense que ce sont les qualités individuelles des joueurs qui permettent de jouer d’une telle façon.
Or, pour avoir les avoir joués 4 fois la saison passée, tu vois que tous les joueurs développent les mêmes fondamentaux sur un aspect précis du jeu en attaque : le jeu de passe.
Cette année, j’ai scouté tous leurs matchs d’euroleague et de ligua. La progression individuelle de chaque joueur par rapport au jeu de passe est exceptionnelle. Le FC Barcelona cette année c’est le Basket 2.0.

Pour être plus précis techniquement (c’est pas facile sans image et sans schéma), il y a 15 ans, on enseignait la triple menace et le jeu de passe « poitrine-poitrine ». Depuis 5ans, les enseignements ont évolué vers un jeu de passe désaxé et aussi avec de plus en plus de passes en mettant le ballon au dessus de la tête (comme le faisait à la perfection Laurent Sciarra qui de ce côté là était un précurseur).
Xavi Pascual va encore plus loin dans sa démarche cette année car, sur toutes les actions de pick n roll, il demande à ses joueur de faire des passes en sautant afin d’éviter les bras et les mains des défenseur (se grandir au dessus de la défense).
De plus, comme ses joueurs dominent leur sujet, depuis quelques matchs, ils sont maintenant capables de faire des passes aveugles (de leurrer sur leurs intentions de passe).


Défensivement, il a aussi un temps d’avance sur tout le monde sur 2 aspects :

-          La capacité qu’ont ces joueurs à lire les intentions du porteur (dans les apprentissages défensifs chez les jeunes, il est important pour les joueurs qui ne défendent pas sur le ballon de regarder les yeux du porteur)
-          Les attitudes de bras coordonnées entre chaque joueur afin de couvrir les différentes ligne de passe, notamment sur les situations défensives de l’écran porteur.

Enfin, pour finir, il ne faut jamais oublier le sens tactique.
Par exemple, sur chaque temps mort, ou sur la première action de chaque quart-temps, c’est une opportunité pour mettre en place un « Short play » en attaque que l’adversaire n’aura pas scouté, et ainsi de peut être marquer un panier plus facilement (j’appelle cela « voler un panier »).
Cette année, Maccabi Tel Aviv, Barcelona le font systématiquement.

 
Stevy : Peux tu nous parler du jeu en Pick n’Roll au plus haut niveau ?


Quel coach ne se retourne pas le cerveau chaque semaine pour savoir comment défendre le pick'n Roll ?
Cette question, chaque coach se la pose en permanence et cela devient parfois un cauchemar pour certains!
Faut-il faire de la protection, de l’inversion, sortir parallèle au pick (Step out), sortir à plat (Flat Edge), switcher, passer en dessous et s’il y a Re-Screen que fait-on ?, …

Défensivement, lorsque je scoute l’équipe adverse, les 1ères questions que je me pose c’est :
-          Qui peut jouer des écrans porteur dans l’équipe adverse ?

-          Avec quel objectif : Driver, Tirer, fixer- passer, …

-          Ces joueurs sont-ils capables de jouer l’écran porteur main droite et main gauche ?

-          Quand ont lieu les situations de Ball pick (en début d’attaque, en fin d’attaque, …)

-          Où se situent les écrans porteur, à 45°, en position de 2ème arrière, dans l’axe, ..

Une fois que j’ai synthétisé toutes ces informations, je définis une stratégie avec un plan A et un plan B.

La grosse évolution du jeu défensif sur ces 5 dernières années, c’est qu’il y a encore peu de temps, les équipes avaient une ou deux façons de défendre l’écran porteur.
Or, aujourd'hui, ce n’est plus possible car le scouting permet d’anticiper trop facilement. L’année dernière pour notre match de qualification au top 16 contre Bamberg, leur staff avait fait un gros travail de scouting offensif et donc il nous avait fallu changer 3 fois de défense sur les pick à 45° pour trouver la solution au problème qu’ils nous ont posé (notre défense à 45° était Step out, notre plan B était Protection et finalement à la mi-temps nous avions décidé d’inverser sur ces picks).
Pour faire cela, il faut travailler au quotidien à l’entrainement les différentes situations afin d'être performant et pro-actif le jour du match. Comme je dis toujours, un coach n’est pas un magicien, tout se prépare et s’anticipe. La préparation prime à l’action. Si tu es bon du lundi au vendredi, il y a de grandes chances que le match se déroule facilement !

Pour finir sur l’écran porteur, il faut aussi tenir compte des qualités individuelles de tes joueurs. Tu ne fais pas défendre de la même façon un joueur de 2m20 et un joueur de 2m ou un arrière de petite taille et un arrière de grande taille.

Stevy: Sur quels aspects technico-tactiques doit se focaliser la formation du jeune joueur pour l’amener au plus haut niveau européen ?


En Serbie, ils disent qu’en 4 ans tu peux « fabriquer » un joueur professionnel.
La seule chose qu’ils regardent, notamment chez les grands, c’est la motricité (dans les courses) et la capacité à enchainer les actions.

Dans la formation, il faut être patient. A partir de 16 ans (entrée en centre de formation), il est important de beaucoup s’entrainer (on ne s’entraine pas assez en France mais c’est du à notre système éducatif).
La formation doit être individualisée en fonction du potentiel de chaque joueur et de ses qualités intrinsèques. Par exemple, un joueur de grande taille aura besoin d’un travail spécifique de renforcement musculaire (gainage-abdos) ce qui ne sera peut être pas le cas d’un arrière.

Au niveau des apprentissages, il ne faut jamais dissocier la technique de la tactique (ce que l’on a souvent tendance à faire en France).

L’école du jeu, c’est la maitrise des fondamentaux individuels incorporé dans des situations de jeu modélisées (jeu à 2, à 3, à 4) pour arriver au 5 contre 5 qui doit être une partie importante de nos séances.


On me pose souvent la question mais comment doit-on enseigner les fondamentaux: à travers des exercices, du 5 contre 5, … ?
Je pense qu’une séance doit se découper avec des échauffements sur les fondamentaux, puis une mise en pratique de ces basiques dans du jeu réduit et enfin du jeu en 5 contre 5 (60% de la séance).


L’autre aspect important c’est le tir. Il faut développer l’autonomie dans le travail par rapport au tir. Les joueurs n’ont pas besoin des coachs pour venir faire 500 tirs à la salle.
Je vais vous donner un exemple :
L’année dernière, le 13 aout, 1ère séance avec BESIKTAS à 10h du matin, j’arrive à la salle à 7h30 pour préparer la séance, à 8H30 j’entends des ballons rebondir dans le gymnase.
Je vais voir. Deux joueurs turcs (Muratcan Guler et Tutku Acik) étaient en train de faire du tir 1h30 avant la séance. Je me présente et ils m’expliquent que tous les matins il viennent faire 200 tirs chacun pendant 30 minutes, après ils font leur gamme d’étirement, il vont se faire « strapper » et ils sont prêt pour commencer la séance à 10h.
Le soir, ils restent de nouveau 30 minutes pour faire 200 tirs. Au final ils auront fait 400 tirs dans la journée.
De plus, après l’entrainement du soir, ils ont parlé avec tous les jeunes du centre de formation qui s’entrainaient avec nous pour leur demander où ils étaient le matin même à 8h30 (les jeunes étaient arrivés 10 minutes avant la séance).
Le lendemain matin, à 8h30, il y avait 10 joueurs sur le terrain en train de tirer.

En tant que coach, nos meilleurs assistants ce sont souvent les joueurs cadres qui relaient nos messages.

En synthèse, au delà des enseignements technico-tactiques, il faut développer chez nos jeunes potentiels, le goût de l’effort et l’autonomie dans le travail.

Stevy: Peux-tu développer la notion de prise d’information chez les joueurs ?


Lorsque j’enseigne à mes joueur, j’essaye toujours de donner du sens (Pourquoi on fait les chose). Pour y répondre, je développe la technique individuelle à travers différentes situations (Comment on fait les choses) et enfin il y a toujours une notion de tactique (Quand, à quel moment du match, on fait telle ou telle autre chose)

La bonne prise d’information, c’est la capacité à anticiper, à voir avant les autres.
En attaque pour anticiper, il faut avoir pris l’information avant de recevoir le ballon (notion de vision périphérique). Pour cela, il faut travailler sur la dissociation segmentaire (avoir la capacité à désaxer la tête par rapport au ballon).
Pour répondre le plus simplement possible, je demande à mes joueurs en attaque de ne regarder que les joueurs en défense (malheureusement cela n’est pas très naturel :-) ).

En défense, pour anticiper, je demande 2 choses :
-          de bouger avec le ballon, (ce qui prend beaucoup de temps pour que tout le monde le fasse dans le bon timing).
-        Et de regarder les yeux du porteur, car cela permet d’anticiper sur les intentions de jeu de ce dernier (donc souvent avoir un temps d’avance).

Pour aller plus loin dans les explications, il faudrait que l’on soit dans un gymnase et se mettre en situation.



Une dernière chose: avec mon collègue Noam Rudman (Ancien Coach Pro), nous organisons la 2ème édition de notre « clinic Open Mind ». C’est gratuit, en île de France (au mois de juin). C’est sur une journée et le thème sera le 1 contre 1. Pour ceux qui seraient intéressés, vous pouvez me contacter (nous limitons l’accès à 40 places). Mon email : jcprat2702@gmail.com

 
 Merci encore à JC PRAT pour ses réponses.

Si vous souhaitez lui poser des questions sur l'entraînement, postez un commentaire à la fin de l'article et il vous répondra.

SF