24 nov. 2014

Paroles de Formateur: Gregory Morata, CTR Ligue des Alpes

Gregory Morata, Conseiller technique régional (CTR) dans la Ligue des Alpes, m'a fait le plaisir de répondre à quelques questions sur le mode de fonctionnement d'un pôle et sur la formation des jeunes joueurs en général. C'est peut être la première fois qu'un CTR explique comment il travaille et je pense que beaucoup de personnes ont besoin d'en apprendre plus.

Gregory est un entraîneur/formateur de grande classe. Il m'a beaucoup appris quand je l'ai côtoyé à la Saint-charles de Charenton avec Jérôme Fournier. Nous discutions beaucoup de la formation des jeunes joueurs. Il est très ouvert et ne reste pas enfermé dans un mode de pensée unique. 
Bonne lecture à tous.



Stevy : Salut Grégory, peux-tu te présenter s’il te plaît ?

Grégory : J’ai 40 ans (né le 31 mars 1973 dans les Alpes)
Fils de basketteuse et de rugbyman, le sport à toujours été dans les discussions familiales.
J’ai connu 3 clubs comme joueur :
A.B.C Domène (de 1981 à 1993), E.S Saint Martin d’Hères (de 1993 à 1995) et la Saint Charles de Charenton (de 1996 à 2002)…de pré-nationale à nationale 3.
C.E.R.H.N de la ligue des Alpes de 1987 à 1989 sous la direction de Jacques VERNEREY
Sélection régionale en 1988 et 1989, sélection de zone en 1989.
J’ai commencé le coaching à 18 ans, ma motivation était de rendre à mon club tout ce qu’il m’avait donné.
B.E.E.S 1er degré en 1995, B.E.E.S 2nd degré en 2001
Responsable technique et pédagogique à la Saint Charles de Charenton de 1998-2002.
Cadre Technique Fédéral à la ligue des Alpes de 2002 à 2005.
Conseiller Technique Régionale placé auprès de la ligue des Alpes depuis 2005.
Adjoint auprès des équipes de France féminines jeunes depuis 2009.

Stevy : Tu entraînes dans un pôle régional de basket-ball. Peux-tu nous expliquer ton rôle au sein de ce pôle et en tant que CTR ?

Grégory : Je suis le coordonnateur du pôle espoirs (pôle mixte sur le même site) sur le plan administratif et pédagogique. Je suis l’interlocuteur avec les différents partenaires du pôle espoirs tels que la Direction Régionale Jeunesse et Sport de Lyon, la Fédération Française de Basketball, l’établissement scolaire de Notre Dame des Victoires, le C.H.U de Grenoble, Tremplin Sport Formation (l’établissement d’accueil et d’hébergement) etc.
Je m’occupe plus particulièrement du secteur féminin avec mon fidèle collaborateur David TRUC-VALLET (C.T.F). Le secteur masculin est encadré par mon collègue CTR (Yann JULIEN) et entraîné par un des CTF de la ligue (Rémy POINAS).
Outre le suivi scolaire, la programmation et l’entraînement, le pôle espoirs nécessite beaucoup de disponibilités pour assurer le suivi des jeunes talents de la ligue : relation avec les entraîneurs de clubs, relation avec les entraîneurs nationaux et les entraîneurs des centres de formation (Suivi sportif, suivi scolaire, suivi médical et le bien-être des jeunes).


Stevy : Comment se déroulent les détections pour entrer au pôle ? Quels sont vos critères de détection des jeunes ? Faites vous attention au niveau de maturité du joueur ?

Grégory : C’est un sujet qui anime beaucoup nos réflexions. Nous avons pas mal exploré, expérimenté cette thématique. Par exemple, nous faisions des journées de détection où nous recevions beaucoup de candidatures et de candidats qui n’étaient pas forcément du niveau ou qui ne correspondaient pas aux critères de détection.
Aujourd’hui, nous ciblons les jeunes qui présentent des qualités pour aller vers le haut niveau. Ce repérage se fait de 3 manières :
1-      la détection fait par les comités départementaux sur les catégories U12-U13
2-      le réseau d’entraîneurs qui nous signale des jeunes joueurs(ses) que nous évaluons par la suite
3-      les camps et les tournois (inter comités, inter ligue) qui constituent la base du système de détection en France
Les critères sont divers et variés, mais il y a une chose de sûre, c’est que parmi l’ensemble des qualités, les habilités d’un joueur(se) de basket, la personne que nous sollicitons doit posséder au moins UNE qualité qui sorte de la norme, comme la morphologie (très grand gabarit), la technique, l’adresse, des qualités athlétiques, des qualités mentales (détermination), etc.
Ce qui est important c’est l’envie du jeune de rejoindre notre structure. Cela ne doit pas être le projet des parents ou celui de l’entraîneur, mais bien le sien.
Si le jeune ne se sent pas prêt, si la famille est trop présente dans le projet, nous ne forçons pas les choses voir nous ne sollicitons pas l’enfant.
En ce qui concerne la maturité, c’est peut être ce par quoi nous commençons notre réflexion lorsque nous recrutons un jeune joueur. A quel stade de son épanouissement physique, physiologique et psychologique en est-il ? Nous faisons bien la distinction entre les joueurs opérationnels et les joueurs potentiels.


Stevy : Quel est votre objectif final quand un jeune entre au pôle ?

Grégory : L’objectif "institutionnel" serait qu’il atteigne, à terme, le plus haut niveau, qu’il participe au renouvellement de l’élite du basket français.
L’objectif que l’on s’est fixé avec mes collègues est de guider le joueur dans son développement et l’optimisation de SES qualités afin qu’il révèle SON meilleur niveau de pratique. Et si celui-ci coïncide avec la pratique de haut niveau alors nous sommes doublement récompensés.



Stevy : Quel est le planning type d’une semaine pour les jeunes joueurs ?

Grégory :
Lundi : 1h.45 de séance + 1h. de proprioception/gainage
Mardi : 1h.45 de séance + 1h. de préparation physique
Mercredi : 2h.00 de séance / Match
Jeudi : 1h.45 de séance + 1h. de préparation physique
Vendredi matin : 1h.30 de séance
Vendredi après-midi : séance club
Samedi : repos
Dimanche : match club (U15 élite ou U17)
Environ 12 d’entraînement en pôle espoirs.

Pour les blessés : un protocole est mis en place « même blessé je m’entraîne » (je m’entraîne autrement).

Stevy : Sur quels points mettez vous la priorité lors du passage des joueurs au pôle ?

Grégory : Cela va peut être te surprendre, mais la priorité est le plaisir et l’enthousiasme. Depuis un certain temps, nous travaillons dans ce sens avec l’ensemble de l’équipe d’encadrement. Pour pouvoir révéler, accompagner efficacement un jeune, nous devons créer un cadre d’évolution serein et dynamique.
Le pôle espoirs est la première marche vers l’accès au haut niveau. Notre objectif est de « planter » des bases solides :
-        Enthousiasme et plaisir
-        Savoir s’entraîner
-        Le goût de l’effort et l’engagement au sens large (engagement physique et psychologique)
Pour le domaine spécifique de l’activité, nous accompagnons les jeunes polistes sur un plan individuel (technique individuelle, préparation physique). Nous prônons un basketball total, où l’agressivité et la technique individuelle prennent tout leurs sens dans le développement du jeune joueur.



Stevy : Est-ce que vous individualisez l’entraînement des joueurs au pôle ?

Grégory : L’individualisation est une préoccupation permanente. Nous sommes conscients que chaque individu est différent, avec des qualités propres à chacun, des motivations dissemblables.
Pour accompagner efficacement les jeunes joueurs, nous avons une limite de moyens, notamment humain. Le Président de la ligue est sensible au projet mené au niveau du pôle espoirs. Il nous donne les moyens de bien fonctionner. Nous sommes 5 entraîneurs à intervenir sur le pôle, dont un préparateur physique (20 heures/semaine) depuis cette année.
Avoir des personnes ressources en nombre permet de s’occuper de manière plus pertinente des joueurs et de répondre efficacement à leur problématique individuelle.
Nous pouvons faire ainsi des groupes de besoins, des groupes de niveau, par poste de jeu. Sur le plan pédagogique cela rend l’organisation plus facile et plus efficiente.


Stevy : Au niveau physique, faites-vous un travail spécifique ? Si oui, lequel ?

Grégory : Le travail physique est incontournable à cet âge de la formation. Les jeunes sont en cours de construction physique. De plus, la politique fédérale en matière de détection des plus grands nous amène à accompagner des jeunes à la recherche d’un corps qui change, qui se transforme.
Nous axons le travail physique principalement autour de 5 axes :
-          Le développement autour de l’aérobie.
-          Le développement des gammes athlétiques (école de course, école de sauts).
-     La prophylaxie (prévention) car nous savons que la pratique intensive génère des traumatismes.
-          Le développement physique harmonieux de la personne (renforcement musculaire).
-          Le suivi quotidien des charges à l’effort (R.P.E)


Stevy : Travaillez-vous en relation avec les entraîneurs des clubs des joueurs ?

Grégory : La réforme du championnat de France U15 élite, nous invite à encore plus collaborer avec les entraîneurs de clubs. Les jeunes en pôle espoirs sont maintenant regroupés dans deux entités clubs sur notre territoire.
La relation est de plusieurs ordres :
-          Communiquer ce que nous faisons au pôle (planification, contenus, charges d’entraînement)
-          Assurer une cohérence entre le projet de formation du jeune et la compétition (poste de jeu, responsabilité dans le jeu).
-          Nous essayons d’avoir un même style de jeu (intentions, priorités, etc.).
-          Relation pour un retour à la compétition des joueurs en fin de ré-athlétisation.

Stevy : Que pourrait-on améliorer dans la formation en France sur les catégories U13 et U15 selon toi ?

Grégory : Déjà, il faudrait que les entraîneurs s’imprègnent du style de jeu « à la française », à savoir mettre la défense au cœur des préoccupations et sur le plan offensif, accompagner la formation des jeunes joueurs en priorités. La formation physique est aujourd’hui entrée dans notre culture d’entraînement mais pas encore priorisée dans la formation des jeunes joueurs notamment au niveau des clubs.
Le problème c’est qu’il y a trop d’avis divergent dans la façon d’aborder la formation dans ces catégories malgré les directives techniques fédérales.
Un travail remarquable a été fait pour valoriser le championnat de France U15 élite. Il est trop tôt pour en tirer des conclusions. Je pense qu’il faut travailler sur nos championnats régionaux pour offrir des championnats compétitifs et en cohérence avec l’effet recherché, à savoir la progression de nos jeunes joueurs.
Nous devons travailler main dans la main avec les arbitres pour que leur fonction d’animateur du jeu vienne soutenir et aider la formation des jeunes joueurs.




Stevy : Si tu devais changer 1 ou 2 points (technique ou tactique) que beaucoup d’entraîneurs de jeunes ont l’habitude de faire ou d’enseigner aux jeunes joueurs, quels seraient ils ?

Grégory : Une question pas facile car l’entraîneur est amené à faire des choix, des choix qui sont parfois discutables car ils ne sont pas partagés ou qui s’éloignent de la formation du joueur.
Pour ma part, je conseillerais de travailler davantage sur les intentions de jeu, avec des notions fortes telles que l’agressivité, l’intensité, le dynamisme.
Sur le plan tactique, je prône un « basket total » basé sur la recherche du jeu rapide en permanence et la volonté de récupérer la balle le plus tôt possible (défense tout terrain).
Sur le plan technique, l’aisance avec la balle (dans le dribble et la passe) et le tir sont toujours à privilégier.

Stevy : Depuis plusieurs années, tu es également assistant sur les équipes de France jeunes l’été (Champion d’Europe U18 et vice champion du Monde U19 avec Jérôme Fournier). Que t’apportes cette expérience ?

Grégory: C’est une expérience hors du commun, c’est une sorte de formation permanente. Le fait de rencontrer des nations étrangères, des entraîneurs expérimentés, cela m’a permis de développer d’autres compétences autour du métier d’entraîneur (entraîneur adjoint) : l’analyse statistique et vidéo, rédiger des scouting report à destination des joueuses, mieux comprendre les logiques internes des équipes adverse (stratégies, intentions, etc.).
Le fait de participer à des championnats du Monde ou d’Europe permet d’apprécier les différents styles de jeu des autres équipes, d’avoir des éléments de réflexions sur le mode de détection et les filières de formation des autres nations.
J’ai eu la chance de travailler avec deux grands professionnels que sont Cathy MELAIN et Jérôme FOURNIER, deux entraîneurs qui possèdent une éthique de travail hors norme, qui vivent basket, qui mangent basket, qui dorment basket…et pour moi, aux travers des échanges qui animent notre collaboration c’est juste ENORME, énorme de savoir-faire, de savoir être, d’échanges de bonnes pratiques, etc.
Cette expérience, je la partage avec mes collègues du pôle espoirs et cela nous permet de faire évoluer notre structure d’entraînement années après années.



Stevy : Tu as été missionné par la FFBB avec d’autres entraîneurs pour aller visiter le centre de formation du FC Barcelone Basket. Peux tu nous décrire en quelques mots les principaux enseignements de cette mission ? (si possible Greg sinon on peut faire un article sur ça ?)

Grégory : Le voyage d’étude à Barcelone, a été organisé par l’Association des Cadres Techniques du Basketball Français (ACTBF), en collaboration avec la Fédération Française de BasketBall.
Je suis parti avec 3 collègues C.T.R, à savoir Yann JULIEN (CTR Alpes), Christophe EVANO (CTR Bretagne) et Alban LEBIGOT (CTR Ile de France), pour cette immersion en terre catalane. Nous avons visité la « masia », le centre de formation du Barça, nous avons assisté à une dizaine d’entraînements et autant de matchs (Bardalone, Mataro, etc.).
Nous avons aussi rencontré notre homologue catalan (Xavier RODRIGUEZ TIERNO), qui nous a expliqué le fonctionnement de la fédération autonome de Catalogne (ligue régionale chez nous).
Ce qui m’a marqué, c’est la philosophie de jeu appliquée chez toutes les jeunes catégories qui semble être partagée par tous les entraîneurs : un basket simple et totale, basé sur l’agressivité offensive et défensive. L’autre chose qui est remarquable, c’est la bienveillance des entraîneurs envers les joueurs, ils sont dans l’accompagnement et les encouragent à tenter des choses, même difficiles.
Concernant l’encadrement des équipes de jeunes (toutes équipes confondues), il y a 2 entraîneurs et un responsable d’équipe, soit 3 personnes par équipe. À partir d’U13, 3 entraînements hebdomadaires sont dans la normalité.
Durant notre voyage, nous avons vu beaucoup de choses intéressantes (article à venir), nous avons toujours essayé de relativiser par rapport à notre contexte, à notre culture.

Stevy : Tu as été un des premiers entraîneurs d’Evan Fournier lorsqu’il était mini-poussin à Charenton le pont. Avais-tu remarqué son talent à l’époque ? Est-ce qu’il se démarquait déjà des autres joueurs ? Si oui, sur quels aspects ?

Grégory : A l’époque, il était difficile de se projeter sur le devenir d’Evan, ce serait vous mentir. En revanche, ce qui était remarquable, c’est qu’Evan venait toujours en avance à l’entraînement, voir même au début de l’entraînement précédent, et il trainait toujours pour partir. Il avait un ballon à la main en permanence. Evan essayait de dribbler entre les jambes, dans le dos. Dès qu’un panier se libérait, il se précipitait pour tirer  et son grand truc c’était le lay-back…Il venait me voir pour que je lui explique comment faire un lay-back.
En revanche, je ne suis pas surpris de sa réussite sportive, je ne sais pas comment l’expliquer, mais Evan avait un rapport à la pratique très fort hors du commun, il vivait basket.




Stevy : Merci beaucoup pour tes réponses. As-tu quelque chose à ajouter pour finir ?

Grégory : Je tiens à te féliciter pour tous les concepts, les contenus qui tu partages sur le net autour de l’entraînement au sens large. Déjà lorsque nous étions coéquipiers à la Saint Charles de Charenton, la rigueur, la précision t’animait… Je ne peux que t’encourager à poursuivre ta contribution au monde du basketball. Merci de m’avoir sollicité et je suis partant pour un article sur le basket en Catalone J

Merci à Grégory pour ses réponses et sa gentillesse. On attends l'article sur le basket en catalogne alors ;-)

SF
  

1 commentaire:

  1. Anonyme11/24/2014

    Et bien toi aussi, Greg, tu vis basket, tu manges et dors basket. Merci pour ces super explications concernant l'avenir et la prise en charge de nos jeunes basketteurs/es.

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