13 avr. 2014

Basket & Health: ITW Yohann Casin, Kinésithérapeute de l'ASVEL - Physical therapist at ASVEL Basket



La fonction du kinésithérapeute au sein d'un club professionnel est essentielle pour optimiser la performance des joueurs et donc de l'équipe. Son rôle et ses missions s'étendent de plus en plus au sein du staff. J'ai souhaité poser quelques questions à Yohann Casin, kinésithérapeute à l'ASVEL Basket, car il participe à cette évolution de la place du kiné grâce son expertise et à la recherche constante d'une amélioration de ses compétences.  



Stevy : Salut Yohann, peux-tu te présenter rapidement s’il te plaît ?

Yohann : Bonjour Stevy, je suis le kinésithérapeute de l’ASVEL Basket Villeurbanne Lyon Pro A depuis 2011 et un des kinés qui intervient sur l’EDF masculine A de Basket depuis 2009. Je termine ma 10ème saison LNB après avoir officié à Besançon (« feu » BBCD) et au BCM Gravelines.
A l’Astroballe, je suis présent à tous les entraînements, matchs et je fais des soins quotidiens pendant toute la saison (août/juin).


Stevy : Quelles sont tes missions principales au sein de la structure professionnelle de l’ASVEL ?

Yohann : Je suis kinésithérapeute salarié et je collabore avec un médecin du sport (Dr PLAT), un ostéopathe (Mr BARBARO) et tout un réseau de consultants lyonnais. Je dois tester les joueurs à chaque début de saison et assurer un suivi médical longitudinal.
Je leur propose aussi des exercices d’échauffement ou de musculation adaptés individuellement pour limiter les effets néfastes de leur activité ou leurs déformations posturales; les objectifs étant d’avoir le moins de blessures possible, de la moindre gravité possible et de favoriser leur capacité de volume dentraînement (musculation ou basket). Plus ils seront aptes à s’entraîner, meilleur sera leur niveau d’expertise (athlétique et technique). C’est pour ça que j’accorde une place importante aux soins quotidiens de récupération à mes joueurs les plus à risque.


Stevy : Quelles méthodes d’évaluation utilises-tu quand tu prends en main un joueur ?

Yohann : Je me base sur:

  • les tests fonctionnels (National Academy of Sport Medicine & autres; réalisés sous contrôle vidéo),
  • des tests d’équilibre (Proprioception basiques et très reproductibles: test unipodal yeux ouverts dans le noir, sur Balance Pad Airex®..),
  • des tests médicaux sur l’appareil locomoteur (mobilité articulaire, tensions et restrictions du conjonctif: testing de la qualité ligamentaire…)
  • et des tests de mobilisation neuro méningée (Neuro-Dynamics).

Au fil des ans j’ai adapté mes tests pour aller dépister toutes les blessures les plus fréquentes de nos basketteurs pros. Comme le pilote de ligne qui fait un « Check up » complet en passant tout en revue avant de décoller…


Stevy : Quels sont les problèmes que tu rencontres généralement chez les joueurs à la suite du bilan initial ?

Yohann : Voici les plus fréquents:

  • Articulaires: raideurs de hanches, cheville, thoracique ou de l’hallux (gros orteil), limitation d’ouverture d’épaule 
  • Musculaires: Faiblesse de force sur les quadriceps, lombaires ou obliques ou ilio-psoas, 
  • Sensorielles: Déficit d’équilibre unipodal yeux ouverts dans le noir (dépendance visuelle =mauvais utilisation des afférentes proprioceptives en complément des afférences visuelles, combiné à un déficit de force des moyens fessiers/stabilisateurs de cheville) 
  • Fascii ou conjonctives: LLE (ligament de l’entorse de cheville) fibrosé et douloureux de manière chronique,  
  • Neuro méningé: hypomobilité du nerf sciatique dans les muscles fessiers profonds (piriformis, pelvi trochantériens..), hypomobilité du nerf fémoral dans le muscle ilio-psoas 
  • Moteur: Problème d’activation neuromusculaire et de représentation des mouvements de base (squat, fentes…)

 
Stevy : Quelles méthodes utilises-tu pour remédier à ces problèmes ?

Yohann : Sur table, je pratique des soins de thérapie manuelle pour détendre et ainsi gagner le relâchement et l’amplitude nécessaires pour faciliter l’activation des muscles à l’origine de la dysfonction.
Ensuite, debout et avec peu de matériel, vient l’échauffement orienté et ciblé sur les zones à déverrouiller:

  • celles enraidies au fil des ans (non objectivables par contrôle radiologique) car sous utilisées (fibrose des fascii/ligaments ou « pattern moteur erroné ») 
  • ou alors abîmées sur le plan anatomique (lésions articulaires cartilagineuses…).

Cela reste à mes yeux, le meilleur traitement pour les activer, les libérer et les préparer à être plus « disponible » pour qu’elles remplissent pleinement leurs fonctions.


Stevy : Comment envisages-tu la réathlétisation du joueur blessé ?

Yohann : Dès la survenue de la lésion, je vais faire les soins kiné pour accélérer la cicatrisation et, en même temps, je vais chercher au travers d’exercices en salle de musculation à  :

  • maintenir les fonctions « instables » qui pourraient se désentraîner, voire se déprogrammer, lors de son arrêt: par exemple en cas de mauvais gainage, déficit chronique de force des fessiers ou quadriceps…

  • augmenter la trophicité de la zone lésée en activant le travail de muscles locaux sur la lésion ou à distance, sur le membre inférieur: ilio-psoas ou piriformis/fessiers par exemple. Ces derniers vont ainsi améliorer les flux neuro-vasculaires pour optimiser la récupération et la cicatrisation.

  • activer les zones qui vont aider à compenser les dysfonctions liées à la lésion et à réaligner le segments afin de restaurer une bonne fonction sans risque de nouvelle lésion. C’est à dire gain articulaire et de force des stabilisateurs de la hanche en cas d’entorse de cheville ou du genou…

Le préparateur physique sera en charge du conditionnement et des exercices de reprise basket sur le terrain principalement.


Stevy : Est-ce qu’il y a des croyances/méthodes dans le domaine de la kinésithérapie du sport que tu aimerais voir disparaitre ou évoluer ?

Yohann : Beaucoup de kinés de club tombent dans la routine des soins de physiothérapie + anti-inflammatoires oraux (= « la concurrence chimique déloyale ») et oublient que le corps d’athlète de haut niveau peut travailler 2 voire 3 fois plus qu’un individu lambda.
Or, bien souvent mes confrères oublient que ces quelques jours d’arrêt préconisés au joueur pour améliorer les effets des soins (ultrasons…) masqueront en fait les effets de la cicatrisation naturelle de l’individu. Donc auront-ils été réellement efficaces lors des soins? Ou alors est-ce que seule la récupération/cicatrisation physiologique aura fait son chemin?
C’est pour ça que je milite pour que les kinés cherchent à avoir un effet immédiat à chaque séance (même limité) et à structurer les soins pour aller jusqu’à l’éducation du joueur (comment muscler le quadri même en cas de douleur de tendon rotulien…), car sinon ils s’exposent à ne faire que de la "bobologie" qui poussera le joueur encore plus vers une lésion grave…

Stevy : Merci beaucoup pour tes réponses. As-tu quelque chose à ajouter pour finir ?

Yohann : Je suis très heureux de voir que de plus en plus d’acteurs se mobilisent pour faire évoluer les pratiques et ainsi améliorer le quotidien de nos joueurs. Et merci encore, mon cher Stevy, pour cette excellente initiative qui propagera certainement de bonnes choses pour la future génération de PARKER, DIAW & Co…


Merci beaucoup à Yohann pour ces réponses.

SF

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire