La fonction du kinésithérapeute au sein d'un club professionnel est essentielle pour optimiser la performance des joueurs et donc de l'équipe. Son rôle et ses missions s'étendent de plus en plus au sein du staff. J'ai souhaité poser quelques questions à Yohann Casin, kinésithérapeute à l'ASVEL Basket, car il participe à cette évolution de la place du kiné grâce son expertise et à la recherche constante d'une amélioration de ses compétences.
Stevy : Salut Yohann, peux-tu te présenter
rapidement s’il te plaît ?
Yohann : Bonjour Stevy, je suis le kinésithérapeute de l’ASVEL Basket Villeurbanne Lyon Pro A depuis 2011 et un des kinés
qui intervient sur l’EDF masculine A de Basket depuis 2009. Je
termine ma 10ème saison LNB après
avoir officié
à Besançon
(« feu » BBCD) et au BCM Gravelines.
A l’Astroballe, je suis présent
à tous
les entraînements, matchs et je fais des soins quotidiens
pendant toute la saison (août/juin).
Stevy : Quelles sont tes missions principales au sein
de la structure professionnelle de l’ASVEL ?
Yohann : Je suis kinésithérapeute
salarié
et je collabore avec un médecin du sport (Dr PLAT), un ostéopathe
(Mr BARBARO) et tout un réseau de consultants lyonnais. Je dois tester les
joueurs à chaque
début de saison et assurer un suivi médical
longitudinal.
Je leur propose aussi des exercices d’échauffement
ou de musculation adaptés individuellement pour limiter les effets néfastes
de leur activité
ou leurs déformations posturales; les objectifs étant
d’avoir le moins de blessures possible, de
la moindre gravité possible et de favoriser
leur capacité de volume d’entraînement
(musculation ou basket). Plus ils seront aptes à s’entraîner,
meilleur sera leur niveau d’expertise (athlétique
et technique). C’est pour ça que j’accorde une place importante aux soins
quotidiens de récupération à
mes joueurs les plus à
risque.
Stevy : Quelles méthodes d’évaluation utilises-tu quand tu prends en main un
joueur ?
Yohann : Je me base sur:
- les tests fonctionnels (National Academy of Sport Medicine & autres; réalisés sous contrôle vidéo),
- des tests d’équilibre (Proprioception basiques et très reproductibles: test unipodal yeux ouverts dans le noir, sur Balance Pad Airex®..),
- des tests médicaux sur l’appareil locomoteur (mobilité articulaire, tensions et restrictions du conjonctif: testing de la qualité ligamentaire…)
- et des tests de mobilisation neuro méningée (Neuro-Dynamics).
Au fil des ans j’ai
adapté mes
tests pour aller dépister toutes les blessures les plus fréquentes
de nos basketteurs pros. Comme le pilote de ligne qui fait un « Check
up » complet
en passant tout en revue avant de décoller…
Stevy : Quels sont les problèmes
que tu rencontres généralement chez les joueurs à la suite du bilan
initial ?
Yohann : Voici les plus fréquents:
- Articulaires: raideurs de hanches, cheville, thoracique ou de l’hallux (gros orteil), limitation d’ouverture d’épaule
- Musculaires: Faiblesse de force sur les quadriceps, lombaires ou obliques ou ilio-psoas,
- Sensorielles: Déficit d’équilibre unipodal yeux ouverts dans le noir (dépendance visuelle =mauvais utilisation des afférentes proprioceptives en complément des afférences visuelles, combiné à un déficit de force des moyens fessiers/stabilisateurs de cheville)
- Fascii ou conjonctives: LLE (ligament de l’entorse de cheville) fibrosé et douloureux de manière chronique,
- Neuro méningé: hypomobilité du nerf sciatique dans les muscles fessiers profonds (piriformis, pelvi trochantériens..), hypomobilité du nerf fémoral dans le muscle ilio-psoas
- Moteur: Problème d’activation neuromusculaire et de représentation des mouvements de base (squat, fentes…)
Stevy : Quelles méthodes utilises-tu pour remédier
à ces
problèmes ?
Yohann : Sur table, je pratique des soins de thérapie
manuelle pour détendre et ainsi gagner le relâchement
et l’amplitude nécessaires pour faciliter l’activation
des muscles à
l’origine de la dysfonction.
Ensuite, debout et avec peu de matériel,
vient l’échauffement orienté et ciblé
sur les zones à
déverrouiller:
- celles enraidies au fil des ans (non objectivables par contrôle radiologique) car sous utilisées (fibrose des fascii/ligaments ou « pattern moteur erroné »)
- ou alors abîmées sur le plan anatomique (lésions articulaires cartilagineuses…).
Cela reste à
mes yeux, le meilleur traitement pour les activer, les libérer
et les préparer à
être plus « disponible » pour qu’elles remplissent pleinement leurs fonctions.
Stevy : Comment envisages-tu la réathlétisation du joueur blessé ?
Yohann : Dès la survenue de la lésion,
je vais faire les soins kiné
pour accélérer la cicatrisation et, en même
temps, je vais chercher au travers d’exercices en salle de musculation à
:
- maintenir les fonctions « instables » qui pourraient se désentraîner, voire se déprogrammer, lors de son arrêt: par exemple en cas de mauvais gainage, déficit chronique de force des fessiers ou quadriceps…
- augmenter la trophicité de la zone lésée en activant le travail de muscles locaux sur la lésion ou à distance, sur le membre inférieur: ilio-psoas ou piriformis/fessiers par exemple. Ces derniers vont ainsi améliorer les flux neuro-vasculaires pour optimiser la récupération et la cicatrisation.
- activer les zones qui vont aider à compenser les dysfonctions liées à la lésion et à réaligner le segments afin de restaurer une bonne fonction sans risque de nouvelle lésion. C’est à dire gain articulaire et de force des stabilisateurs de la hanche en cas d’entorse de cheville ou du genou…
Le préparateur physique sera en charge du conditionnement
et des exercices de reprise basket sur le terrain principalement.
Stevy : Est-ce qu’il y a des croyances/méthodes
dans le domaine de la kinésithérapie du sport que tu aimerais voir disparaitre
ou évoluer ?
Yohann : Beaucoup de kinés
de club tombent dans la routine des soins de physiothérapie
+ anti-inflammatoires oraux (= « la concurrence
chimique déloyale »)
et oublient que le corps d’athlète de haut niveau peut travailler 2 voire 3 fois
plus qu’un individu lambda.
Or, bien souvent mes confrères
oublient que ces quelques jours d’arrêt préconisés au joueur pour améliorer
les effets des soins (ultrasons…) masqueront en fait les effets de la cicatrisation
naturelle de l’individu. Donc auront-ils été réellement
efficaces lors des soins? Ou alors est-ce que seule la récupération/cicatrisation
physiologique aura fait son chemin?
C’est pour ça que je milite pour que les kinés
cherchent à
avoir un effet immédiat à
chaque séance (même limité) et à
structurer les soins pour aller jusqu’à l’éducation
du joueur (comment muscler le quadri même en cas de douleur de tendon rotulien…), car sinon ils s’exposent à
ne faire que de la "bobologie" qui poussera le joueur encore plus vers
une lésion grave…
Stevy : Merci beaucoup pour tes réponses.
As-tu quelque chose à
ajouter pour finir ?
Yohann : Je suis très heureux de voir que de plus en plus d’acteurs
se mobilisent pour faire évoluer les pratiques et ainsi améliorer
le quotidien de nos joueurs. Et merci encore, mon cher Stevy, pour cette
excellente initiative qui propagera certainement de bonnes choses pour la
future génération de PARKER, DIAW & Co…
Merci beaucoup à Yohann pour ces réponses.
SF
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